Enseignants & éco-anxiété : une enquête MAIF-CSA

Philippe Tarnier, journaliste MAIF Mag

5 min


MAJ septembre 2023

Un enseignant sur trois est anxieux face à la crise écologique. Les programmes lui demandent pourtant de promouvoir une conception positive et prospective du développement durable, « en se gardant de toute vision catastrophiste du futur ». Fastoche ?

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Éco-anxiété et parentalité : une étude exclusive MAIF/CSA

Avec 1,8 enfant par femme, le taux de fécondité français, bien que le plus élevé de l’Union européenne, atteint son niveau le plus bas depuis 1946. Est-ce lié à l’anxiété générée par l’état de la planète ? La peur de l’avenir est-elle plus forte que le désir d’enfant ? C’est ce que nous avons voulu savoir en interrogeant les Français et, parmi eux, un échantillon représentatif du corps enseignant.

Parmi les réponses marquantes :

  • 39 % des répondants ressentent de la tristesse face à la situation environnementale ;
  • 92 % sont inquiets pour leurs enfants ;
  • 58 % des répondants (49 % des enseignants) pensent qu’il est important de réduire le nombre de naissances pour protéger la planète ;
  • l'éco-anxiété n'est citée que par 14 % des répondants parmi les causes expliquant l'indécision à faire un enfant.

Pour lire l’étude complète : Parentalité et éco-anxiété – étude MAIF/CSA (juin 2023) conduite sur 1 005 Français majeurs et 502 enseignants en école, collège et lycée.

Après le succès de notre débat public La mort, si on en parlait, MAIF et Vyv récidivent avec Enfant demain. Jusqu’en 2025, de nombreux intervenants questionneront la capacité à grandir dans ce monde devenu si complexe. Phase 1 : les 2, 3 et 4 novembre 2023 à l’université Paris-Nanterre (également accessible à distance), en collaboration avec l’association francophone de psychologie et psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent (APPEA).

Programme complet et inscriptions

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L’éco-anxiété : un désordre parmi d’autres

Éco-anxiété : le mot est entré dans le dictionnaire en 2022. Il désigne les sentiments de tristesse, de colère, de peur ou de stress provoqués par les menaces environnementales qui pèsent sur notre planète. Plus d’un tiers des répondants à notre enquête déclarent la ressentir.  Les cas graves sont rares, l’éco-anxiété n’est pas une pathologie mentale. Il n’y a pas de files d’attente de dépressifs liés au climat chez les pédopsychiatres ou les psychologues, tempère l’épidémiologiste Alice Desbiolles1. Nous sommes plutôt sur des symptômes d’inquiétude légitime face à une planète qui part à vau-l’eau du fait de l’activité humaine. Les zoonoses et canicules sont par exemple bien plus graves en termes de santé publique que l’éco-anxiété ! 

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Vos élèves n’y sont pour rien

L’EDD (éducation au développement durable) est entrée dans les programmes en 2013 avec la loi de refondation de l’école. Depuis, de nombreuses circulaires ont renforcé sa dimension transversale et systémique : l’EDD doit être abordée dès l’école maternelle, dans toutes les matières, chacune l’abordant par un prisme différent (sciences, maths, histoire, géographie, lettres, langues vivantes, éducation civique, éducation physique...). Dans leurs échanges avec les classes, 63 % des enseignants constatent l’éco-anxiété croissante des élèves. Quelle est la bonne attitude face à ces jeunes générations ? Faut-il tout leur dire, ne rien leur cacher de la dégradation de la biosphère2 ?  Il me semble important de ne pas accabler les élèves par des constats alarmistes, plaide Alice Desbiolles. Ils n’y sont pour rien, ils n’étaient pas aux manettes. Et n’oublions pas à quel point ils ont été malmenés par la crise sanitaire ces dernières années. Là pour le coup, on a vraiment observé une dégradation majeure de leur santé mentale. Inutile d’aggraver la situation ! 

49 %

des enseignants

estiment que la situation environnementale leur donne envie d’agir.

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L’émotion précède l’action

Alice Desbiolles a décortiqué toutes les études qui parlent d’éco-anxiété.  La découverte des enjeux écologiques passe généralement par une phase vertigineuse et anxiogène, décrypte-t-elle. L’individu prend connaissance des problèmes en même temps qu’il comprend qu’il ne pourra pas les résoudre à lui seul. Mais l’émotion, au sens étymologique, c’est ce qui nous met en mouvement. Et donc, le vertige ne dure qu’un temps et il est très souvent suivi d’un désir d’agir Pour Alice Desbiolles, l’éco-anxiété serait même un mal nécessaire.  C’est la preuve que l’individu est lucide. Tant qu’elle n’est pas pathologique, l’éco-anxiété est une force plutôt qu’une faiblesse. C’est elle qui nous pousse à nous adapter, à chercher des solutions, à utiliser le vélo plutôt que la voiture pour nos déplacements quotidiens. J’ai presque envie de dire que plus il y aura de personnes éco-anxieuses, moins les pires scénarios du Giec se réaliseront3 ! 

Côté MAIF

Concours de potagers : c’est reparti !

MAIF et l'éditeur ruedesécoles relancent l'École de la planète. 99 écoles maternelles avaient participé l’an passé au concours de potagers. Combien serez-vous cette année ? Les écoles primaires peuvent s’inscrire à un concours d’écriture. À gagner, des livres de jardinage et de sciences naturelles pour la médiathèque de l’école.

73 %

des enseignants

s’estiment insuffisamment formés et outillés pour enseigner l’environnement et le climat.

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C’est quoi une approche positive ?

Fin mars 2022, le Conseil supérieur des programmes a publié ses recommandations en faveur d’une  éducation positive au développement durable . Notamment, l’enseignement doit stimuler les initiatives de la jeunesse et non les inhiber. Et pour cela, il doit se garder  de toute vision catastrophiste du futur . L’approche doit être stimulante, inspirer les élèves et leur donner envie de construire un futur plaisant. Jim Skea, élu président du Giec en juillet 2023, souhaite transmettre le même message d’optimisme pendant son mandat.  Si vous communiquez constamment le message que nous sommes tous condamnés à l’extinction, cela paralyse les gens et les empêche de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre le changement climatique. Nous devons au contraire insister sur le fait que les humains peuvent décider de leur propre avenir4.  Pour Alice Desbiolles, la lutte contre l’éco-anxiété passe par l’apprentissage des méthodes scientifiques.  Il est essentiel de ne pas délivrer de contenus prêt-à-penser. Il faut que les élèves comprennent comment l’humanité a pris conscience du réchauffement climatique ou de la chute de biodiversité .

52 %

des établissements

d’enseignement n’ont pas de projet pédagogique autour de l’environnement et du climat.

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Des établissements qui vous aident en jouant le jeu

Dans un monde idéal, votre établissement est une ambassade du développement durable avec sa mare éducative, son potager en permaculture, son exposition sur le cycle de l’eau, ses éco-délégués, ses écogestes et sa politique antigaspi. Le simple fait d’y entrer doit inviter à la réflexion sur soi-même et sur la collectivité. De plus en plus de mairies, conseils généraux et régionaux franchissent le pas, cassant le bitume des écoles en centre-ville ou de collèges de banlieue pour laisser place à des bandes de culture. Si ce n’est pas encore le cas, des solutions existent pour mettre vos élèves au vert. Lauréate de notre concours de potagers, Michèle Caporal appréciait, alors qu’elle était enseignante en maternelle à Paris 18e, de pouvoir emmener ses élèves au Jardin Sauvage ou aux vignes de Montmartre.  À Paris et en banlieue, 99 % des élèves vivent en appartement, souvent sans balcon. C’est pour cela qu’il est intéressant de faire entrer le vivant dans les classes, par des élevages ou de la flore. Cela crée des espaces dédiés qui permettent de gagner très vite l'attention et l'engagement, qui sont deux piliers de l'apprentissage. 

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Ressources utiles

Les ressources climat-biodiversité d’Eduscol sont rangées ici ! Vous trouverez notamment le b.a-ba du climat et de la biodiversité, un Mooc parrainé par Valérie Masson-Delmotte et Jean Jouzel, tous deux paléoclimatologues et membres du Giec. Les cinq modules durent chacun environ 1 h 30, accessibles dès 15 ans.

Côté MAIF

Niveau lycée : les ressources pédagogiques autour du film documentaire Le Chêne : vocabulaire, étymologie, interactions entre espèces vivantes, classification.