Aménagement de votre classe : on plonge dans l’espace ?

Eric Berbudeau, journaliste MAIF Mag

9 min


Créé en novembre 2025

Un élève mal assis peut-il apprendre ? Dans ce dossier, nous serons 100 % matérialistes. Comment est agencée votre classe ? Quelle configuration favorise l’attention des élèves ? Comment lutter contre la chaleur ou le bruit ? Les conditions matérielles que vous rencontrez pour exercer votre métier ont un impact évident sur votre qualité de vie professionnelle. Il est donc important d’en parler.

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Un levier puissant pour transformer l’enseignement

Qui n’a pas vécu, chez soi, une envie de changement qui s’est matérialisée par l’ajout d’un meuble ou le déplacement du canapé ? Petits agencements, mais grands effets ressentis. Est-ce la même chose dans votre classe ? La question n’est pas taboue.

Les freins culturels et les idées reçues sur l’espace scolaire

Même s’il traîne encore, dans quelques esprits obtus, l’idée qu’une classe, c’est juste une salle, des bureaux et des chaises, et vous, super-prof, capable d’enseigner dans n’importe quelle condition… Et pour vous culpabiliser ou couper court à vos demandes, les mêmes vous sortiront la photo d’une classe dans un petit village du Burkina Faso ou vous inviteront à visionner Louise Violet !

Confort, bien-être et pédagogie : les bénéfices d’un espace adapté

C’est mesquin et c’est ignorer ce qui se passe entre les quatre murs d’une classe. Cet espace académique très singulier, destiné à accueillir des élèves des heures durant, mérite des aménagements spécifiques pour leur confort autant que le vôtre. Et probablement des changements, petits aménagements ou bien travaux radicaux, pour y enseigner dans les meilleures conditions.

Des exemples concrets d’innovations pédagogiques liées à l’espace

Bien des innovations pédagogiques récentes reposent d’ailleurs sur une réflexion décomplexée sur cet espace de travail : le travail en îlots bonifiés, la classe flexible, création de laboratoires d’apprentissage, l’esprit FabLab, sans oublier l’école dehors… Héritières d’une tradition très normalisée, les salles de classe peuvent désormais être des espaces plus expérimentaux, mouvants, atypiques.

Comment initier un projet d’aménagement dans votre établissement ?

Avec des investissements possibles quand les planètes s’alignent : envies pédagogiques des enseignants, projet global de l’administration, soutien du financeur (commune, département ou région).

C’est donc pour nourrir ces envies que nous allons offrir les quelques ressources qui suivent.
Un petit clin d’œil pour illustrer la notion de « tradition très normalisée » : l’architecte Auguste Bouillon livre les clés pour estimer la surface d’une salle de classe dans son traité « De la construction des maisons d’école primaire » (Hachette, 1834).

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Nous sommes tous des architectes d’intérieur

Ces quelques lignes ne font qu’effleurer les enjeux pour la construction et la transformation des espaces scolaires. Elles visent surtout à vous attribuer la légitimité d’être acteur de ces évolutions. L’espace de la classe n’est pas neutre.

Il traduit en 3D vos aspirations pédagogiques, la place que vous accordez aux travaux collectifs, la position que vous souhaitez occuper au sein de la classe, la modularité qui vous semble nécessaire pour varier et séquencer vos cours…

Disposition des tables : chaque configuration raconte une pédagogie

Comment disposer les tables ? La très classique configuration en autobus, le regroupement en îlots, les modes hybrides, les dispositions en épis ? Chaque choix correspond à une façon d’enseigner.

L’enseignant et les distances relationnelles dans l’espace classe

Isabelle Lermigeaux-Sarrade, docteure en Sciences de l'éducation, a aussi montré que pour une même disposition, chaque enseignant a sa propre façon d’occuper cet espace.
« Edward T. Hall a montré qu’il y a plusieurs distances dans les interactions entre personnes, distinguant la distance intime, personnelle, sociale et publique, explique-t-elle dans cette vidéo. L’enseignant, dans sa classe, joue avec ces différentes distances et il va se placer tantôt à distance personnelle pour interagir avec un groupe, tantôt à distance sociale, voire publique, pour interagir avec la classe entière. Parfois, la configuration de la salle est tellement serrée qu’on risque d’entrer dans la sphère intime de l’élève et qu’on va donc moins s’y déplacer… »

Archiclasse : une plateforme pour repenser l’espace scolaire

Est-ce qu’il y a une disposition idéale ? Non, et c’est pour cela qu’il est utile d’expérimenter et de s’inspirer de réalisations déjà testées (et approuvées).

Pour vous y aider, le ministère de l’Éducation nationale vous propose le site Archiclasse. Waouh ! Difficile de faire plus incitatif pour engager une réflexion sur la transformation des espaces scolaires ! Vous y verrez que l’approche a été « gamifiée », pour favoriser une réflexion collaborative.

Et plusieurs outils sont à votre disposition :

  • Archistart pour la mise en route de la démarche,
  • Archilab pour coconcevoir,
  • Archirama pour nourrir votre inspiration
  • et Archilexi pour disposer d’un langage commun.

Les fiches Paysages y sont une vraie invitation au changement : « Penser une classe flexible pour une pédagogie en mouvement », « Aménager une salle des profs : vers une oasis multi-usages »…

Vers une classe inclusive : penser l’accessibilité pour tous

Avec ces outils, vous oserez être l’architecte d’intérieur qui sommeille en vous ! Et avant de finaliser votre projet, n’oubliez pas la question qui s’impose : « Si un jour, j’accueille un élève en fauteuil roulant, est-ce qu’il pourra circuler librement dans la classe ? »

On ne le dira jamais assez : quand un espace est bien aménagé pour une personne à mobilité réduite, c’est qu’il est adapté et confortable pour tous !

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Du vide à la sensation de plénitude

« Au début de l’année, les lycéens découvrent une nouvelle salle, c’est-à-dire une salle vide ! » Brice Sicart, professeur d'arts plastiques au lycée Simone-Veil de Valbonne, explique dans cette vidéo comment il joue avec l’aménagement de sa salle au fil des pratiques proposées à ses élèves : « Affronter les élèves, leur faire face, ce n’est pas ce qu’il y a de plus efficace dans notre ambition de formation du citoyen, d’un être qui se questionne, qui réfléchit, qui s’approprie progressivement l’espace et le temps dans lequel il évolue. » On est bien loin de l’espace théâtral de l’estrade professorale !

Crédit : BraunS/GettyImages

Des équipements nouveaux ouvrent la possibilité d’aménagements variables. Par exemple, des “chaises-tables à roulettes” permettent de passer rapidement d’un agencement classique à un regroupement par îlots.

Changer l’espace, c’est aussi changer de posture pédagogique

« Ce changement intervenu dans l’espace de ma classe m’a demandé aussi un changement de posture, constate Emmanuelle Colas-Micheli, professeure de SVT dans cette vidéo. Je suis passée de l’hyper-contrôle à quelque chose qui est presque un lâcher prise. »

Des assises alternatives pour favoriser la concentration des élèves

Avant de déménager chaises et tables, il faut avoir conscience des changements possibles dans votre pratique. Il faut essayer de se projeter.

Les chaises Node (à roulettes avec tablette) sont très à la mode, mais seront-elles utiles s’il n’y a pas de déplacements nécessaires pour vos cours ?

En revanche, l’utilisation d’un ballon pour s’asseoir a fait ses preuves pour faciliter la concentration de certains élèves.

Aménager une classe, c’est chercher ce qui va rendre matériellement possible la dynamique pédagogique que vous voulez instaurer. Et ça vaut le coup d’essayer, c’est juste votre plénitude qui est en jeu.

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Les assises de la pédagogie

« Asseyez-vous ! » Redoutable injonction qui marquait le début d’un cours, clouant les élèves sur leur chaise jusqu’à l’heure de la récré. L’inconfort d’une position assise prolongée.

Fort heureusement, médecins et ergothérapeutes se sont inquiétés de la situation. « Durant sa scolarité, un élève passe environ 1 000 heures par an en position assise, souligne ce mémoire du Dr Christine Brunet, promotion 2005 à l’École nationale de la santé publique de Rennes. Il est donc apparu pertinent de s'interroger sur la qualité de cette position assise tant d'un point de vue « médical » (peut-on réduire la survenue de rachialgies en particulier lombaires à l’âge adulte ?), que d’un point de vue « scolaire » (peut-on améliorer les capacités d’écoute, d’attention voire de compréhension des élèves ?) et ceci grâce à l’utilisation d’un mobilier dit ergonomique plus adapté peut-être. »

Mobilité des élèves : un moteur d’apprentissage actif

Désormais, non seulement on peut questionner l’ergonomie de la chaise tubulaire apparue après-guerre, mais on peut aussi envisager des séquences pédagogiques qui s’en décollent.

Par exemple, en utilisant la classe autrement, en ajoutant du matériel comme des tableaux roulants, ce lycée de Carquefou a réfléchi à un usage efficient des espaces : « Nous constatons que les élèves sont en mouvement. Ils bougent pour aller faire, pour aller voir, pour communiquer. Un corps en action est forcément un esprit qui travaille, qui construit ses apprentissages et donc ses savoirs », analyse Martial Gavaland, professeur de physique chimie dans cette vidéo.

Prévenir les troubles musculosquelettiques chez le personnel éducatif

Bien évidemment, toute réflexion ergonomique bien menée en espace scolaire ne doit pas oublier le corps du personnel d’éducation, notamment à la maternelle où les troubles musculosquelettiques sont fréquents.

Crédit : BraunS/GettyImages
Des équipements nouveaux ouvrent la possibilité d’aménagements variables. Par exemple, des “chaises-tables à roulettes” permettent de passer rapidement d’un agencement classique à un regroupement par îlots.

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T’es classe, mais t’es pas si belle dans les décibels !

Le bruit en classe : un fléau sous-estimé

On ne pourrait refermer ce propos sur nos assises sans évoquer le bruit délicat d’une chaise tirée sur le carrelage. Il peut atteindre jusqu’à 90 dB, un niveau qui commence à présenter un risque pour nos oreilles si ce son est répété… 90 dB, c’est aussi le niveau acoustique où il faut crier pour se faire entendre.

Le bruit en classe est une calamité d’autant plus difficile à dompter qu’un cercle vicieux peut vite apparaître : les élèves seront bruyants dans un environnement bruyant.

Isolation phonique et matériaux réverbérants : deux ennemis du confort acoustique

Deux problèmes peuvent survenir en classe :

  • Une isolation phonique insuffisante, qui vous permet d’entendre distinctement les cours de vos collègues.
  • Un problème de matériaux réverbérants dans votre salle de cours. Par exemple, de grandes baies vitrées ou bien ce joli mur en béton qui signe architecturalement la modernité du bâtiment.

Le bruit scolaire, un risque pour la santé des enseignants

Si par malchance, les deux problèmes se cumulent, vous risquez d’y laisser votre santé. Le bruit, c’est épuisant. À votre échelle, il sera difficile d’agir, sauf à réclamer des travaux pour améliorer l’isolation phonique et/ou obtenir un traitement acoustique de la salle en vous appuyant sur l’arrêté du 25 avril 2003.

Sensibilité au bruit : penser l’inclusion sensorielle des élèves

Les élèves et leurs parents vous soutiendront volontiers, car le bruit est un obstacle à la compréhension. Tous vos élèves n’ont probablement pas la même sensibilité au bruit. Certains d’entre eux sont peut-être malentendants, diagnostiqués ou non, ou présentent des troubles du spectre autistique avec une hypersensibilité sensorielle, et méritent encore plus un confort sonore durant vos cours.

Et il ne suffira pas de changer les patins sous les chaises…

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Enseigner, point virgule, canicule

Réchauffement climatique : un défi pour les bâtiments scolaires

L’adaptation des bâtiments scolaires aux conséquences du réchauffement climatique est un défi majeur. Les chefs d’établissements y sont confrontés chaque fin d’année, pour éviter une ambiance hammam lors des épreuves du Bac et du DNB…

Épreuves du Bac et DNB : comment éviter l’effet hammam en salle d’examen

La consigne officielle, c’est de « veiller à ce que les salles d'examen restent protégées de la chaleur ». Quand une vague caniculaire affecte le territoire, comme en juin 2025, c’est évidemment très compliqué à gérer et cela a conduit des écoles à fermer « au cas par cas » dans les départements les plus exposés.

Moderniser l’existant : le rôle clé des collectivités territoriales

La résilience des bâtiments scolaires à ces vagues de températures extrêmes est désormais à travailler dès la conception pour les nouveaux.

Pour l’existant, il faut espérer des communes, départements ou régions très sensibles à ces problématiques et à l’écoute des enseignants utilisateurs de ces bâtiments.

Crédit : Simon Lambert/Divergence
Les cours de récré modernes ne sont plus seulement un grand espace noir de bitume. Les aménagements doivent à la fois favoriser l’inclusivité et être de véritables îlots de fraicheur l’été. Ils supposent des travaux coûteux. Sans parler des structures de jeux qui doivent répondre à des normes qui évoluent souvent.

Isolation thermique : un problème généralisé dans les établissements scolaires

Une enquête du Cnesco a montré l’ampleur du problème : « La quasi-totalité de tous les établissements du second degré ont été interpellés par leur personnel et par leurs élèves sur des problèmes d’isolation thermique ».

Des bâtiments vétustes à rénover pour améliorer le confort été comme hiver

Dans cette vidéo, Vincent Danière, architecte, reconnait que c’est souvent ce qui conduit à des travaux de rénovation : « Pour les écoles, nous intervenons sur des bâtiments vétustes, qui ont des performances thermiques très basses, avec un inconfort aussi bien l’été que l’hiver. »

Cours de récréation bitumées : un piège à chaleur à repenser

Les cours de récré bitumées, qui stockent admirablement la chaleur l’été, font également l’objet de travaux, notamment de végétalisation.

Des travaux importants, comme tous ceux d’un immobilier ancien, public ou privé, impacté par le dérèglement climatique…

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Mille bravos pour votre écoute

Système D en classe : des astuces pour affronter la canicule

En attendant que tous ces travaux soient programmés, les enseignants disposent de toute la palette du Système D pour chercher des solutions lors des canicules : les rideaux réfléchissants, les linges humides qui pendouillent, le jeu subtil avec les ouvertures, portes et fenêtres, pour chercher un filet d’air frais…

L’écoute des élèves : un levier pour adapter l’environnement scolaire

Et surtout, ils sont à l’écoute de leurs élèves, pour veiller à leur hydratation et à leur confort. C’est cette qualité d’écoute qui permet tous ces aménagements évoqués dans ce dossier.

Elle vous permet de repérer qu’un élève a parfois besoin d’un casque antibruit pour se concentrer ou qu’un autre ne peut canaliser son énergie sans ces drôles de balles qu’il fait rouler sous ses pieds…

Votre capacité à innover, à tester une Captibulle ou un Toobaloo, ouvre de belles perspectives d’aménagement et d’équipement de votre classe. Bravo ! Mille fois bravo !