La gouvernance partagée

SCOP La Navette

8 min


MAJ août 2023

Formelle ou informelle, la gouvernance partagée permet plus de souplesse dans la gestion de tiers-lieux par exemple. Découvrez notre dossier complet.

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Qu'est-ce que la gouvernance partagée ?

La gouvernance partagée peut être définie comme « la mise en place collective d’un ensemble de règles relationnelles et organisationnelles pour répondre aux questions posées par le projet collectif », notamment la manière dont s’exerce et se distribue le pouvoir. Construire dans la durée un projet collectif nécessite une attention particulière sur la façon de le faire, qui fluctue avec le facteur humain. Ce processus invite à réfléchir tant personnellement que collectivement sur les manières de s'organiser. La participation à la gouvernance repose sur des valeurs, une vision partagée, l'adhésion à un projet commun et parfois la création d'une charte. Les utilisateurs portent le projet et en sont donc coresponsables et promoteurs. Mais pour que cela fonctionne, un cadre défini collectivement doit être créé. Néanmoins, il n'y a pas de solution miracle avec une méthode universelle et duplicable facilement.

Voici quelques questionnements que l'on pourra retrouver :

  • Qu’est-ce qui nous réunit ?
  • Qui est force de proposition ?
  • Comment se prennent les décisions ?
  • Qui décide de quoi ?
  • Jusqu’où chacun est-il prêt à s’impliquer ?
  • Comment gère-t-on les conflits ? Quels sont les espaces, les moments, les instances qui existent pour exprimer, traiter et sortir du conflit ?
  • Quel type de réunion devons-nous faire ?
  • Comment inclut-on de nouvelles personnes dans le projet ?
  • Comment sont réparties les tâches et responsabilités en fonction des compétences de chacun ?
  • Quelle place pour les utilisateurs dans les instances dirigeantes et opérationnelles ?
  • Quelles modalités de fonctionnement et de communication ?
  • Quelle place donne-t-on aux initiatives, en restant cohérent avec la raison d’être du tiers-lieu ?

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Comment fluidifier les relations humaines ?

Il existe des outils, des règles du jeu communes, des processus de décision pour aller vers plus de coopération et d’efficience. S’ils sont utilisés correctement, ils peuvent apaiser les relations humaines au quotidien au travers d'une bonne qualité d’écoute, de communication et de bienveillance mais ce ne sont que des outils au service d’une organisation plus générale. On peut notamment citer la communication non violente (CNV) ou le cercle restauratif (cercle de parole déclenché par une personne qui se sent en conflit avec une autre, et qui va demander à un tiers d’être facilitateur du cercle. Il s’agit d’un bon exercice de compréhension mutuelle et d’empathie), etc.

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Quels outils pour prendre des décisions ou voter ?

Toutes les parties prenantes d'un tiers-lieu, individuelles ou collectives, bénévoles ou salariées, quelles que soient leur activité, la nature et la durée de leur implication, ont un pouvoir de décision. Certains outils permettent une meilleure implication des participants et facilitent la prise de décision. Notamment :

  • Des réunions de travail en autogestion : chaque groupe de travail (communication, administration, logistique, partenariats, etc.) est autonome dans ses prises de décision et s'organisent indépendamment les uns des autres pour se réunir régulièrement. En parallèle, un groupe coordonne les activités et événements hebdomadaires, et une autre réunion a lieu un jour régulier de semaine pour la logistique du lieu par exemple. Veillez à trouver une place légitime à ces instances informelles, qu'elles puissent disposer d’un pouvoir d’agir dans un périmètre défini en lien avec l’instance statutaire, juridiquement responsable ;
  • La mise en place d'outils de gestion de projet ouverts et participatifs (Google Drive, FramaDate …). Des accompagnements en interne peuvent être proposés aux personnes moins à l'aise avec ces outils ;
  • La décision au consentement : une proposition est faite par le groupe de travail en charge du sujet. Les autres membres ont la possibilité de poser des questions, et la proposition est clarifiée. Une fois explicitée, les personnes présentes ont le droit d’exprimer une ou plusieurs objections, à condition qu’elles améliorent la proposition. Il ne s’agit donc pas ici d’exprimer un désaccord sans le justifier. La nouvelle proposition prend en compte l’objection bonifiée, puis un tour de consentement a lieu. Ce processus s’oppose au consensus qui exige que tous les participants à une décision soient unanimes ;
  • Les niveaux de participation : cet outil permet de responsabiliser chaque participant, qui se demande « à quel niveau je participe à cette réunion ? : Est-ce pour information ? Pour consultation ? Pour co-construction ou pour décision ? ». Son degré d’implication aura un impact sur ses prises de parole et son poids dans la décision ;
  • L’élection sans candidat : très utile par exemple pour élire le nouveau bureau d’une association. Les missions du futur élu sont définies très clairement. Ensuite chaque électeur met le nom d’une personne qu’il ou elle verrait bien dans ce rôle et justifie son vote (au moins une personne). Chaque électeur peut prendre la parole pour dire ce qu'il pense être bien pour le collectif et s’il y a des objections, elles doivent être bonifiées. Dans ce processus de vote, il n’y a donc pas de candidat déclaré au départ ;
  • Vote au jugement majoritaire : les électeurs doivent voter et se faire un avis sur TOUS les candidats, avec des mentions allant de “à rejeter” à “très bien”. Ce type de vote sort du choix binaire “pour” ou “contre” et remet le débat au centre des discussions.
  • Les outils de vote à distance (Framavox , Loomio ) permettent de prendre une décision en différé, avec un vote sur plusieurs jours. Cela permet aux absents de participer, et de prendre des décisions régulièrement, sans avoir à attendre les assemblées générales. Ce type d’outils favorise aussi la transparence sur les arguments et sur l’historique des échanges, afin d’ajuster au mieux la proposition pour atteindre le consensus.

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Quels sont les moyens humains ?

Il n’est pas toujours bon de faire reposer tout un projet uniquement sur le bénévolat. C'est possible mais risqué puisque les engagements bénévoles sont assez mouvants. La question se pose alors d’ouvrir le collectif au salariat, en embauchant un coordinateur ou animateur du lieu (appelé communément « facilitateur »). Il jouera un rôle essentiel d'animation, de régulation mais il ne sera en aucun cas seul décideur et n'assumera pas toutes les responsabilités. Sa mission sera de créer les conditions d’une prise de décision démocratique, de veiller au respect des équilibres entre les composantes hétérogènes du tiers-lieu. Les questions suivantes seront à résoudre avant son recrutement :

  • Quel est son rôle, ses activités, ses tâches ?
  • Qui donne ses missions au facilitateur ?
  • À quel endroit se décident ses missions ?
  • Le facilitateur est-il associé à l’élaboration de ses missions ?
  • A-t-il une place dans les instances dirigeantes ?
  • Qui évalue son travail ?

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Comment maintenir la dynamique ?

Pour la pérennité du projet et le bien-être de tous ses membres, il est important de mettre en place des actions pour entretenir une certaine dynamique. Cela peut prendre la forme :

  • de rendez-vous réguliers et attendus : des soirées pizza tous les jeudis, des ateliers philo tous les dimanches, etc. Il peut aussi s’agir d’apéritifs mensuels, de chantiers participatifs réguliers… Chaque projet doit trouver le format qui correspond le plus avec ses valeurs et ses activités ;
  • d'une information régulière et transparente : pour se sentir impliqués, les membres doivent être régulièrement tenus au courant des différentes avancées et actualités du projet. Il est important de soigner la communication interne sur les réseaux sociaux, via une newsletter, des groupes de discussion, etc. Il doit y avoir de la transparence sur les discussions stratégiques, via des espaces ouverts, laissant la possibilité à chacun de consulter, ou participer. Le partage de documents est par ailleurs fondamental pour le fonctionnement des instances informelles ou décisionnaires ;
  • d'un aménagement réfléchi du lieu : la manière dont est aménagé l’espace participe aussi à la dynamique d’un projet : des canapés, des plaids, apporteront de la convivialité, un tableau en libre accès incitant les personnes de passage à proposer une activité donneront une âme au lieu.

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Comment accompagner la montée en compétence collective ?

Un tiers-lieu, rarement pensé seul, émane d’un collectif de personnes. Cette vie collective n’étant pas linéaire, des phases d’observation, de co-construction et de conflits s’alternent et se réitèrent en permanence. Il s’agit donc de s’organiser pour faciliter la coopération et de favoriser la montée en compétence de ce collectif d’usagers. Développer ces moments permet d’observer et d’analyser les méthodes de travail afin d’en tirer les principaux enseignements, de réorienter l’action si besoin, de capitaliser sur les avancées effectuées, les résultats obtenus, les innovations produites, pour pouvoir envisager la suite en conscience. Cette montée en compétence collective s’apprend et s’auto-alimente tout au long de la vie du projet. Ce processus, non spontané, nécessite de l’animation et dans certains cas, le recours à une facilitation externe (DLA par exemple ) qui identifie les compétences disponibles ou à mobiliser et qui les mettent en lien avec les besoins du collectif.

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