Qu'est-ce que le rapport de mer et à quoi sert-il  ?

Marc Helary, Infornav

11 min


MAJ février 2023

Le rapport de mer est le document officiel que tout chef de bord peut être amené à rédiger afin d'éclairer les circonstances d'un accident ou incident (corporel ou matériel) survenu à son bord, également appelé « événement de mer ».

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Quand, pour qui et dans quel délai faire un rapport de mer ?

Il s'agit de la déclaration officielle du capitaine ou chef de bord devant les assureurs et les tribunaux. De par sa valeur juridique, la forme du texte doit donc être précise et factuelle. Sur le fond, le contenu du rapport de mer doit correspondre à la chronologie des faits consignés dans le livre de bord et aux éventuels témoignages sur l'événement.

Quand rédiger un rapport de mer ?

Les principales causes amenant à rédiger un rapport de mer sont :

  • le heurt contre un quai,
  • l'abordage, c'est-à-dire une collision avec un autre navire,
  • l'échouement, c'est-à-dire un échouage non volontaire,
  • un problème médical ou matériel survenu à bord (incendie, voie d'eau, heurt avec un objet flottant...),
  • la perte du bateau (naufrage).

A qui s'adresse le rapport de mer ?

Selon la nature et la gravité de l'événement, le rapport de mer pourra s'adresser :

  • à l'assureur du navire, du loueur, des personnes à bord,
  • au tribunal de commerce (notamment en cas de transport de marchandises ou de collision avec un navire marchand, par exemple une vedette de transport de passagers),
  • au bureau des douanes en cas de perte du navire.

Comment rédiger un rapport de mer ?

D'un point de vue technique, le rapport de mer s'articule toujours en trois parties bien distinctes. La première (introduction) et la dernière partie (conclusion) sont invariables et comprennent toujours les mêmes formules.

La deuxième partie, celle qu'il vous revient de rédiger, correspond à votre récit de l'événement en lui-même.

Dans quels délais déposer le rapport de mer ?

Le rapport de mer doit être envoyé dans les 24 heures qui suivent l'événement de mer.

Si vous êtes à l'étranger, il devra être déposé au consulat local.

Afin de vous aider à mieux cerner cet exercice, voici un exemple commenté d'un rapport de mer.

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La rédaction du rapport de mer

Partie invariable : introduction

Je soussigné, monsieur / madame

Titulaire du ou des permis ... (côtier, hauturier ou autres titres situant vos compétences en navigation).

Chef de bord du navire …, armé à la plaisance en catégorie ...

Immatriculé au port de ... Sous le numéro …,

de jauge.... (cette information figure sur l'acte de francisation du navire).

Appartenant à ....... (nom et adresse de la personne physique ou morale propriétaire du bateau).

Si le bateau est loué (préciser la période de location, le nom et adresse du loueur),

Confirmant le bon fonctionnement des appareils, le navire en bon état de navigabilité,

Équipage composé de ... personnes,

déclare ce qui suit :

Partie variable : description

Cette partie doit décrire la chronologie de l'événement de façon simple et concise pour faciliter le travail du lecteur. Le ton doit rester neutre, concis et sans fioritures.

La narration se fait toujours au présent et à la première personne. On ne revient jamais à la ligne, l'ensemble du texte est rédigé d'un seul bloc.

Exemple fictif de rédaction de la partie descriptive de l'événement de mer :

Appareillé seul à bord du « Sans Peur » du port des Minimes à La Rochelle le 10 juin 2015 à 10h du matin pour me rendre au port de Saint-Denis d'Oléron. La météo est favorable. A 10h25, je fais route à 5 nœuds au 260° à la voile par beau temps, mer belle et petite brise de secteur nord de 10 nœuds. A 11h10, alors que je me trouve sans aucun navire aux alentours à 0,8 mille nautique dans le 190° du phare de Chauveau, j'active le pilote automatique et descends à la table à carte pour remplir le livre de bord. Quelques instants plus tard j'entends un choc sous le bateau. Je sors immédiatement dans le cockpit et aperçois une souche de bois s'éloigner dans le sillage. Je mets aussitôt à la cape pour arrêter le bateau. Une inspection des fonds me permet de détecter rapidement une voie d'eau mineure dans la cale moteur au niveau du presse-étoupe. A 11h12 je me rends compte que l'arbre d'hélice a bougé et laisse entrer un filet d'eau à débit faible mais constant. J'enclenche aussitôt la pompe de cale moteur, qui permet d'étaler la voie d'eau au bout d'une minute. J'immobilise l'arbre d'hélice en enclenchant la marche avant, moteur éteint et coupe-circuit coupé, puis applique sur le presse-étoupe un chiffon ligaturé au moyen d'une garcette. Cette intervention limite l'envahissement à un mince filet d'eau à travers le chiffon. Je laisse la pompe en mode automatique et mets en place une bringuebale sur la pompe manuelle pour étaler la voie d'eau au cas où la situation viendrait à se dégrader. Après une surveillance active de quelques minutes, la situation me semble bien maîtrisée et la cale moteur est quasiment sèche. Je décide alors de ramener le bateau seul à la voile jusqu'à l'entrée du chenal de La Rochelle pour m'y faire remorquer jusqu'au port des Minimes par une vedette de la capitainerie. A 11h20 je contacte le CROSS Etel par VHF canal 16 puis 69 pour signifier l'avarie et faire part de ma décision de ramener le bateau seul jusqu'à l'entrée du chenal. A 11h 25 j'appelle la capitainerie du port des Minimes par VHF canal 9 qui m'accorde une assistance remorquage à l'entrée du chenal. A 11h30 je reprends ma route vers la Rochelle à 3,5 nœuds sous voilure réduite et pilote automatique, tout en surveillant activement la situation. A 12h20, alors que je me trouve à hauteur de la cardinale « Ouest Minimes », je rappelle la capitainerie du port des Minimes par VHF canal 9 pour prévenir de mon arrivée imminente à l'entrée du chenal. A 12h35, une vedette d'assistance de la Capitainerie avec deux marins à bord se présente au niveau de la première bouée verte du chenal. J'affale la grand-voile, enroule le génois puis récupère la remorque lancée par l'un des marins de la vedette. La voie d'eau est toujours maîtrisée. A 12h55, j'amarre le bateau devant l'aire de grutage du port des Minimes assisté par deux employés du service de maintenance. A 13h00, le bateau est gruté hors de l'eau et posé sur berre. A 13h05 je rappelle le CROSS Etel par téléphone pour signifier la fin de l'opération de remorquage et l'absence de danger. Une première inspection des œuvres vives me permet de constater une pale d'hélice cassée, une torsion importante de l'arbre d'hélice et un délaminage partiel de la structure au niveau de l'embouchure extérieure du tube d'étambot. A 13h15 je me présente à la capitainerie pour signer et régler la facture de grutage du bateau. A 13h30, j'appelle mon assureur par téléphone pour l'informer du sinistre et envisager avec lui les modalités de prise en charge des réparations.

Partie invariable : conclusion

La conclusion d'un rapport de mer doit inclure les mentions suivantes :

Je fais les plus expresses réserves sur les dégâts constatés et les avaries qui pourraient être découvertes par la suite.

J'affirme le présent rapport sincère et véritable et me réserve le droit de l'amplifier par la suite si nécessaire.

Préciser également à qui le rapport est adressé. Par exemple :

J'adresse ce jour à mon assurance une copie de ce rapport de mer par courrier.

J'adresse ce jour au tribunal de grande instance de … une copie de ce rapport de mer par courrier.

J'adresse ce jour au service des douanes de … une copie de ce rapport de mer par courrier.

Fait à …(lieu) le …(date), pour valoir ce que de droit.

Signature : Prénom Nom...

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Trucs et astuces

Entraînez-vous !

Puisqu'il vaut toujours mieux prévenir que guérir, nous vous conseillons de vous entraîner à rédiger un rapport de mer en partant d'un scénario fictif. Cet exercice vous permettra de vous familiariser avec la rédaction de ce type de document, mais aussi de réfléchir à la meilleure façon d'appréhender un problème en mer. Vous pouvez également le faire à plusieurs comme un jeu de rôles pour confronter la diversité des points de vue sur une situation donnée. Il n'en sortira que des bénéfices et de meilleurs réflexes sur l'eau !

Le livre de bord, indispensable en cas de problème

Une fois en mer, pensez à remplir régulièrement le livre de bord. Lorsque tout va bien, personne ne vous demandera de comptes...mais en cas d'accident, un livre de bord bien rempli est un gage de sérieux qui augmente la crédibilité du chef de bord.

Donnez-vous les moyens de rester zen !

Si la perspective de gérer un événement de mer vous met mal à l'aise, n'hésitez pas à vous former. Un stage d'une journée ou deux peut suffire à vous donner des repères solides qui vous permettront de garder la tête froide pour mieux appréhender une situation de crise. La bonne nouvelle ? Même en mer, nous ne sommes pas seuls !

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