Vos responsabilités : les grands principes

La responsabilité civile de l'enseignant
Partage :

Le régime de responsabilité professionnelle des enseignants est complexe... car issu d'une législation vieillissante et sans cesse amendée au fil de l'évolution du métier.

L'enseignant peut être déclaré responsable des dommages qui résultent d'un accident subi ou causé par l’un de ses élèves :
  • Sa responsabilité civile peut être engagée s'il a commis une faute qui a concouru à la réalisation du dommage.
  • Sa responsabilité pénale peut être retenue s'il a eu un comportement constitutif d'une infraction pénale.

Responsabilité civile de l’enseignant : ce que dit la loi

Définition

  • La responsabilité civile est l'obligation pour une personne de réparer le préjudice qu'elle a causé à autrui par ses actes.
  • Elle est régie principalement par les articles 1 241 et 1 242 du Code civil.

Le statut des enseignants

  • Il est régi par le Code civil (article 1 242 alinéa 6 et 8), et par le Code de l'éducation (article L 911-4).
  • Depuis l’ordonnance du 15 juin 2000, un Code de l'éducation regroupe l'ensemble des dispositions existantes relatives à l'enseignement et leur attribue une nouvelle numérotation.
  • L’article L 911-4 du Code de l'éducation correspond à l'ancien article 2 de la loi de 1937.
À savoir
Le Code de l’éducation s'articule autour de deux principes :

Principe de la responsabilité pour faute de tous les enseignants

Tous les enseignants, privés ou publics, sont responsables des dommages causés par leurs élèves ou à leurs élèves, s'il est prouvé qu'ils ont commis une faute en relation avec le dommage.

Principe de substitution de l'État à la responsabilité de l'enseignant

Si l'enseignant est responsable du dommage causé ou subi par l'un de ses élèves, et s'il s'agit d'un membre de l'enseignement public ou de l'enseignement privé sous contrat avec l'État, la responsabilité de l'État se substitue à la sienne : en d’autres termes, l’Etat est responsable à sa place (article L 911-4 du Code de l'éducation).

NB : s'il s'agit d'un membre de l'enseignement privé sans contrat avec l'État, c'est la responsabilité de l'établissement qui peut se substituer à celle de l'enseignant.

Dans quels cas un enseignant peut-il être déclaré responsable civilement ?

  • L’enseignant est bien sûr responsable du dommage causé par son propre fait.
  • Sa responsabilité peut être également engagée :
    • lorsque le dommage est causé par un élève à un autre élève ou à un tiers ;
    • lorsque le dommage a été causé à un élève par un tiers.
  • Il faut évidemment que le dommage survienne pendant le temps où les élèves sont sous la surveillance de l'enseignant et qu'il ait un lien avec le service d'enseignement qu'il assure.
  • Pour établir la responsabilité de l'enseignant, il faut que la victime démontre qu'il a commis une faute d'imprudence ou de négligence.

Responsabilités selon les circonstances et la nature du dommage

Avertissement !
Les exemples donnés sont issus de décisions rendues par les tribunaux qui se sont prononcés en tenant compte des circonstances précises et particulières de chaque affaire.
Ils ne peuvent par conséquent être considérés comme systématiquement transposables à tous cas d'espèce similaire. 

Dommage causé à l'élève par lui-même
Le fait qu’un élève se blesse lui-même n'exclut pas a priori la responsabilité de l'enseignant.

Il a été jugé que le fait pour un élève de s'être blessé avec un couteau entraîne la responsabilité de l'instituteur qui l’a laissé sortir du cours de cuisine avec l'objet dangereux.

Dommage causé à l'élève par un tiers
La responsabilité du tiers n'exclut pas, a priori, celle de l'enseignant.

Un automobiliste condamné à réparer le dommage causé à un élève peut rechercher la responsabilité de l'enseignant, dans la mesure où l'élève a pu quitter l'établissement en échappant à la surveillance, insuffisante, de celui-ci.

Dommage causé par l'élève
La responsabilité de l'enseignant peut être recherchée même si la responsabilité de l'élève n'est pas établie.

La responsabilité d'un enseignant a été retenue pour défaut de surveillance alors que l'élève n'avait pas commis de faute, s'étant limité à pousser son camarade à l'occasion d'un jeu dit "du loup" où les enfants se poursuivent et tentent de s'attraper.

Lien entre le dommage et l'enseignement
Pour que la responsabilité de l'enseignant soit mise en œuvre, il faut que le dommage survienne :

  • lorsque les élèves sont sous sa surveillance (heures consacrées à l'enseignement, intercours et récréations) ;
  • à l'occasion d'une activité d'enseignement (activités scolaires et parascolaires).

La notion de faute

La notion de faute recouvre, dans les faits, une réalité très vaste aux multiples facettes : elle peut consister aussi bien en un acte qu'en une abstention.

La faute résultant d'un acte

  • Faute personnelle commise par l'enseignant.
  • Acte volontaire (c'est le cas de l'enseignant qui frappe un élève, par exemple).
  • Acte involontaire (simple maladresse, imprudence).

Le défaut de surveillance

  • Relève de la faute par abstention, plus communément dénommée faute de service.
  • La notion de défaut de surveillance n'a pas de valeur absolue et varie selon de nombreux critères liés :
    • à la nature de l'activité pratiquée et à sa dangerosité potentielle ;
    • aux élèves, et notamment à leur âge, à leurs capacités et à leur niveau de maîtrise.

Deux grands niveaux de surveillance

  • La surveillance ordinaire : concerne les activités normales (travaux ou jeux) quotidiennement pratiquées par les enfants.
  • La surveillance renforcée : nécessaire dans des cas particuliers (enfants très jeunes, maternelles, activités présentant un risque évident).

Surveillance active et prévoyance

  • La seule présence de l'enseignant ne suffit pas.
  • Il doit exercer, dans tous les cas, une surveillance active et être en mesure d'intervenir à tout moment.
  • Il a également une obligation de prévoyance : il doit préventivement prendre les précautions et mesures indispensables à une surveillance efficace.

Exemples de jurisprudence

Situations considérées par les tribunaux comme relevant du défaut de surveillance

Activités d'enseignement

  • Absence momentanée, sans motif légitime, de l'enseignant de sa salle de classe.
  • Fait de ne pas maîtriser un chahut débutant.

Interclasses :

  • Fait de quitter son cours sans s’assurer de la continuité de prise en charge des élèves par un collègue ou par le service général de surveillance de l'établissement.
  • Fait de ne pas donner l'ordre aux élèves d'entrer dans la salle de permanence où ils seraient encadrés.

Récréation :

  • Fait de ne pas intervenir en temps opportun pour interrompre une bataille de boules de neige qui peut dégénérer.
  • Fait de laisser de très petits enfants sauter par-dessus l'un d'entre eux lorsqu’il est étendu sur le sol.

Activités extrascolaires :

  • Fait pour un professeur d'EPS, détaché auprès d'une colonie de vacances, de ne pas s'assurer au cours d'une baignade que tous les enfants savent nager (noyade d'un élève).

Situations où les tribunaux ont considéré que l'enseignant n'avait pas commis de faute

L'enseignant a montré la vigilance nécessaire et pris les précautions normalement requises par la situation

  • Blessure causée à un élève par un jet de ballon lors d'un jeu collectif correctement encadré par un professeur d'EPS.
  • Accident lors de la réalisation d'un exercice de "poirier" en éducation physique : le professeur avait fait parer chaque élève par un autre élève, fait exécuter l'exercice sur des tapis de protection et surveillé attentivement l'ensemble des élèves s'entraînant par groupes de deux.

La personne, à qui les élèves étaient confiés, pouvait légitimement leur faire confiance en raison de leur âge.

  • Coups portés par un élève majeur sur une de ses camarades également majeure, en séance d'atelier, alors que le professeur s'était brièvement absenté pour se rendre dans un atelier voisin.

Le cas particulier des activités sportives

Les activités sportives, dans le cadre des cours d'éducation physique, soulèvent des difficultés spécifiques.

  • Elles impliquent par nature une mobilité, tant de la part des enseignants que des enseignés.
  • Au cours d'une même séance, des activités différentes peuvent être pratiquées par les élèves.
  • Il est difficile de reprocher à l'enseignant son éloignement momentané, à condition qu'il ait pris les précautions normales.

Cependant, il a pu être reproché à un professeur d'éducation sportive d'avoir organisé une épreuve ne lui permettant pas d'assurer la surveillance d'une partie de ses élèves.

  • À l'occasion d'une course à pied, ce professeur s'était placé à l'arrivée pour chronométrer les coureurs, pendant qu'un groupe d'élèves restés à l'aire de départ s'amusait à lancer des mottes de terre dont l'une avait blessé un élève.

La jurisprudence exige, à l'occasion de la pratique de certaines activités sportives, une surveillance plus stricte :

  • exercices à barre fixe ;
  • lancer de poids ;
  • il a été jugé qu'il n'était pas suffisant pour le professeur d'avoir recommandé aux jeunes gens de se tenir en arrière de l'aire de lancement. Il était nécessaire de s'assurer de la stricte observation des consignes données et d'attendre que chaque élève ait regagné sa place dans la zone de sécurité, avant d'autoriser la poursuite de l'épreuve.

Une nuance doit être introduite pour certains sports intrinsèquement dangereux (rugby, ski).

  • Il a été considéré que la pratique de ces sports comporte un certain risque qu'acceptent ceux qui s'y livrent et que, si les règles étaient respectées, la responsabilité civile du professeur ne pourrait pas être engagée.

Les causes exonératoires

Elles permettent à l'enseignant de se dégager, en tout ou partie, de la responsabilité qu'il encourt. Il existe trois catégories de causes exonératoires :
  • Cas de force majeure
  • Fait d'un tiers
  • Faute de la victime

Le cas de force majeure

  • Absence de faute de l'enseignant lorsque l'accident a présenté un caractère extérieur, imprévisible et irrésistible, empêchant toute possibilité d'intervention.

  • Coup de pied soudain au cours d'un exercice d'EPS.
  • Élève blessé par le jet d'une agrafe lancée par un autre élève.
  • Chute provoquée par un croche-pied fait par un autre élève en fin de rang.
  • Collision brusque et imprévisible survenant entre deux élèves dans une cour de récréation.
  • Lancer soudain d'une boule de neige par un élève n'affichant pas de turbulence particulière, provoquant un traumatisme oculaire chez l’une de ses camarades.
  • Dommages causés par des objets dangereux introduits en cachette dans l'établissement et restés dissimulés jusqu'au moment de l'accident, tels qu'un compas ou un frisbee, brusquement sorti et lancé contre un élève.

La faute de la victime

  • Dans certaines circonstances, on peut considérer que la faute de l'élève a concouru à la réalisation de son dommage.
  • C'est le cas notamment lorsque l'élève enfreint un règlement ou pratique une activité sans autorisation.
  • Dans ces hypothèses, une part de responsabilité peut être laissée à sa charge.

  • Une élève qui, pendant la récréation, s'est rendue sur un terrain interdit aux élèves et a été mortellement blessée par la chute d'une barre transversale de handball à laquelle elle s'était suspendue.
  • Un élève de 14 ans s'étant rendu dans une cour réservée aux grands élèves et ayant reçu un coup en jouant au ballon avec eux.
  • Un élève qui, durant le cours d'EPS, s'est rendu sans autorisation aux anneaux et s'est blessé en pratiquant des exercices non prévus au cours et en dehors de la surveillance du professeur.
  • Une collégienne blessée à l'œil par le club d'un autre élève s'apprêtant à frapper une balle en cours d'EPS. L'intéressée avait commis l'imprudence de trop se rapprocher du joueur, malgré les consignes données par le professeur qui s'était éloigné pour ramasser les balles. Le juge a conclu à une réduction d'un tiers de la responsabilité de l'État.

Le fait d'un tiers

  • Il peut arriver que la faute d'un tiers ait concouru à la réalisation du dommage.
  • Dans ce cas, l'enseignant n'encourt qu'une responsabilité partielle.

  • Accident survenu à un écolier, lors de la visite d'un zoo, qui entraîna un partage de responsabilité entre le directeur du zoo (3/4) qui n'avait pas installé les protections nécessaires, et l'État (1/4) pour défaut de surveillance.
  • Cas d'un enfant bousculé, lors du franchissement d'une passerelle dépourvue de barrière de protection (partage par moitié entre l'installateur de la passerelle et l'instituteur).