Cas de jurisprudence

Cours de voile
Partage :

Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS, Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II, mise à jour avril 2013.

Au moment du débarquement, une jeune élève s’écroule brutalement et décède malgré les efforts de réanimation mis en œuvre. La responsabilité de l'État, substituée à celle de l'enseignant, n'est pas retenue.

Les faits

Lors du retour des élèves vers la base de loisirs après un cours de voile, les élèves se mettent les uns derrière les autres (deux élèves par bateau) afin de former une longue file indienne que l’enseignant remorque jusqu’à la plage. Au moment de débarquer après sa camarade, la jeune élève s’écroule brutalement. Elle décède malgré les efforts de réanimation.

Argumentaires des parties

Les parents : ces derniers considèrent que la responsabilité de l'enseignant doit être retenue : il a manqué de vigilance et de prudence quant à l'organisation de cette sortie, et particulièrement au moment du débarquement.

Le préfet substitué à l'enseignant : il soutient que l'équipe d'encadrement, composée de membres de l'enseignement public, était en nombre suffisant et n'a commis aucune faute. Il demande dès lors sa mise hors de cause.

La décision

En première instance :
Le tribunal a jugé que la jeune élève avait été victime d'un arrêt cardio-respiratoire brutal dont l'origine demeure inconnue au moment de sa descente de bateau. La responsabilité des enseignants ne peut être recherchée ici dans la mesure où cet accident cardio-respiratoire n'est pas le résultat d'une noyade.

Les parents ont interjeté appel de ce jugement.

En appel :
La responsabilité des enseignants est ici recherchée sur le fondement des dispositions de la loi du 5 avril 1937. L'article 1384 alinéa 8 du code civil précise à cet égard que les fautes ayant causé le fait dommageable devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur à l'instance.
La jeune élève participait à une classe de voile qui avait débuté la veille avec 21 de ses camarades de CM1 et CM2. Les activités qui se déroulaient au club nautique étaient encadrées. Selon le rapport de l'inspection de l'Éducation nationale (qui recoupe les renseignements recueillis au cours de l'enquête de gendarmerie) l'encadrement était assuré, d'une part par deux moniteurs diplômés d'État et agréés par l'Éducation nationale, d'autre part par deux enseignants et deux parents d'élèves.
Cette organisation était réglementairement suffisante et conforme à ce type d'activité sans danger particulier.
Le drame s'est produit au retour d'une sortie en mer de 13 h à 15 h sur des petits bateaux Optimist dans lesquels prenaient place deux élèves. Au moment d'aborder sur la plage, et alors que sa camarade était déjà descendue pour fixer le bateau, la jeune élève sautait à son tour au bord et s'effondrait dans l'eau.
Elle était munie d'un gilet de sauvetage et, selon les témoignages recueillis, la profondeur de l'eau ne dépassait pas les genoux de l'enfant. Lorsqu'elle est descendue en sautant, elle s'est effondrée d'un coup.
Tous les témoignages des adultes font état d'une intervention immédiate du moniteur qui a porté l'enfant sur la plage. Ce dernier serait intervenu dès que les cris des enfants l'ont alerté.
À juste titre, le tribunal observe dans le jugement de première instance que les éléments suivants ne permettent pas de tenir pour vraisemblable l'hypothèse de la noyade :

  • moins de cinquante centimètres d'eau,
  • port du gilet de sauvetage,
  • intervention rapide sans régurgitation d'eau au moment des premiers soins pratiqués par le moniteur secouriste,
  • présence d'une maman infirmière.

Le rapport d'autopsie confirme que le décès brutal de cette élève est dû à un arrêt cardio-respiratoire, dont l'origine reste indéterminée.
Dès leurs premières conclusions, les experts n'ont pas été en mesure de fixer la cause du décès. Il convient à ce stade de l'analyse de constater, comme l'a fait le tribunal, qu'à défaut de certitude, il n'est pas possible de mettre en cause l'action ou le défaut d'action de l'encadrement de la sortie en mer.
Aucune relation de causalité certaine n'existe entre un défaut de surveillance des enseignants et le décès de la jeune enfant, et rien ne permet, en outre, de supposer qu'avec d'autres soins ou les mêmes, plus rapides, elle aurait pu survivre à l'arrêt cardiaque constaté.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions : la responsabilité de l'État, substituée à celle de l'enseignant, n'est pas retenue.

 

Source : CA Aix en Provence, 2001