Cas de jurisprudence

Un élève enfermé
Partage :

Une enseignante enferme par inadvertance une élève âgée de 16 ans dans la salle de classe. L’élève prise de panique saute d’une fenêtre du 1er étage et se blesse.

Les faits

Le professeur de sciences physiques terminait des travaux pratiques de chimie auxquels assistaient 10 élèves de première. Pendant que ceux-ci rassemblaient leurs affaires avant de sortir progressivement, l’enseignante a ouvert la fenêtre, puis éteint les lumières et est sortie de la salle par la porte principale qu’elle a verrouillée, sans s’apercevoir qu’une élève demeurait dans la pièce. L’enseignante a ensuite verrouillé la deuxième porte, équipée d’un verrou de sûreté permettant de l’ouvrir de l’intérieur. L’élève enfermé n’a pas réussi à ouvrir cette deuxième porte et, sous l’emprise de la panique, a sauté du premier étage en passant par la fenêtre, se blessant sérieusement.

Argumentaires des parties

Les parents affirment que le professeur a fermé les portes de la salle de cours, sans s’inquiéter si des élèves s’y trouvaient et qu’il n’est pas justifié que l’issue de secours était ouvrable de l’intérieur. Ils soutiennent que ce défaut de surveillance et le défaut de fonctionnement de l’issue de secours sont à l’origine de l’accident.

Le préfet du département fait valoir que l’élève ne s’est manifesté ni physiquement, ni verbalement lorsque les lumières de la salle de cours ont été éteintes, qu’elle s’est délibérément soustraite de la vue du professeur et que c’est la panique qui l’a conduite à sauter par la fenêtre alors qu’âgée de 16 ans, elle avait une capacité de discernement suffisante pour contrôler ses actes. Le préfet conclut que son comportement constitue un acte d’imprudence grave et que l’élève a ainsi sciemment concouru à la réalisation du dommage.

Décision

La cour rappelle qu’aux termes de l’article 1384 dernier alinéa du Code civil, qui concerne les enseignants, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable doivent être prouvées par les demandeurs. En l’espèce, l’élève a reconnu que le professeur a éteint les lumières et qu’elle a entendu la porte claquer, sans réagir et se manifester auprès de celui-ci.

Par ailleurs, l’obligation de surveillance qui pèse sur l’enseignant doit être appréciée au regard de l’âge de l’élève et de sa capacité de discernement. En charge d’une classe de première, il ne peut être reproché à l’enseignant d’avoir manqué à son obligation de surveillance alors que les élèves disposaient d’un temps suffisant pour ranger leurs affaires et quitter la salle et que lors de l’extinction des lumières et la fermeture des portes, l’élève n’avait pas réagi.

Il n’est enfin pas établi que le verrou équipant l’issue de secours ne fonctionnait pas. En tout état de cause, l’élève pouvait sans s’exposer à un danger, soit attendre le passage d’un professeur, d’un surveillant ou d’un élève, soit signaler sa présence en hélant un passant. La faute de l’enseignant n’est pas établie, le dommage étant exclusivement consécutif au comportement inapproprié de la victime.

La responsabilité de l’état, substituée à celle de l’enseignant, n’est donc pas retenue.

Source : C.A. Versailles 2013.