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Rythmes scolaires : et si on regardait ailleurs ?
Philippe Tarnier, rédaction de MAIF Mag
9 min
Mis à jour le 7 septembre 2025
En cette rentrée 2025, la convention citoyenne sur les temps de l’enfant bat son plein. 140 citoyens tirés au sort réfléchissent au meilleur calendrier scolaire, au profit du bien-être des enfants et de leurs apprentissages. C’est le moment d’observer ce qui se passe dans les autres pays, il y a peut-être des inspirations à puiser ?
Efforçons-nous de démontrer que ce n’est pas le programme qui doit faire loi, mais le bien de l’élève. Le programme est fait pour l’élève et non l’élève pour le programme, et mieux vaut éveiller intelligence et le goût du travail avec un programme réduit que de les assoupir avec un programme trop complet.
A. Laclef, « L’allègement de l’horaire scolaire » - 1917
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Le modèle français en question
Existe-t-il un modèle éducatif où tous les enfants vivraient heureux et suivraient une scolarité épanouie qui les mènerait tout droit vers la vie rêvée ? 140 citoyens tirés au sort produiront en novembre un rapport sur la question : c’est la Convention citoyenne sur les temps de l'enfant.
Le rythme scolaire français, maintes fois débattu, se distingue actuellement par plusieurs aspects :
- un bien-être des élèves en demi-teinte : près de la moitié d’entre eux présentent des troubles de l’anxiété ;
- beaucoup de vacances (seuls Malte et les pays baltes en ont plus) mais des journées longues et chargées ;
- au primaire, une semaine de 4 jours (ou rarement 4,5 jours), quand tous les pays de l’OCDE1 pratiquent la semaine de cinq jours.
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Temps de l’enfant : de quoi parle-t-on ?
Dans le cadre de la convention citoyenne, les participants découpent le temps en séquences distinctes dont chacune a sa justification, ses acteurs et ses enjeux politico-économiques :
- temps scolaire, passé en classe avec les professeurs ;
- temps périscolaire (avant/après la classe + mercredi après-midi), passé dans l’école pour des activités encadrées : lecture, jeux d’intérieur et d’extérieur, aide aux devoirs, activités artistiques… À l’école élémentaire, le financement des activités périscolaires relève des communes. Plus de 90 % d’entre elles sont retournées à la semaine de 4 jours, qui les dispense d’organiser ces activités le mercredi.
- temps extra-scolaire, pour pratiquer des activités encadrées en dehors de l’établissement : sorties, classes vertes, sport, musique, théâtre… ;
- temps de devoir, plus ou moins imposé par l’enseignant ;
- temps libre : c’est le temps restant, passé seul, avec des amis ou en famille ;
- temps de vacances, très dépendant du niveau de vie familial… ;
- temps passé devant les écrans, porteur de potentiels effets néfastes (sédentarité et perturbation du cycle endocrinien) ;
- temps de sommeil actuellement insuffisant pour un élève sur 3 ;
- temps de transport, très inégal selon que l’on réside près ou loin de l’établissement ;
- temps passé à table pour les repas.
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Les scientifiques ont déjà leur réponse
L’aménagement du temps scolaire en France n’est pas en cohérence avec les connaissances de la chronobiologie de l’enfant et cela à tous les niveaux de l’organisation, journée, semaine ou année scolaire.
Rapport de l’Académie nationale de médecine sur les rythmes scolaires (2010)
Du point de vue des médecins et des biologistes, le débat sur le calendrier scolaire est déjà tranché.
- Le rythme annuel idéal supposerait de mettre fin aux longues vacances d’été, au profit d’une alternance 7 semaines de cours / 2 semaines de congés. Tout le monde ne serait sans doute pas enchanté par l’adoption d’une telle mesure.
- La semaine de travail durerait 4 jours et demi ou cinq jours pour optimiser les capacités d’attention et réguler le cycle de sommeil.
- La journée intégrerait des temps de pause, de sieste et de détente pour éviter de travailler pendant les périodes de la journée où le cerveau n’est pas disponible (avant 9 h, entre 12 h et 14 h, après 16 h 30).
- Les séances de sport devraient être positionnées en fin d’après-midi.
- Le temps de sommeil quotidien devrait être de 9 à 12 h en enfance et 8 à 10 h à l’adolescence. Parallèlement, il faudrait limiter l’exposition aux écrans en soirée pour réguler la production de mélatonine (hormone du sommeil).
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Et ailleurs, comment font-ils ?
Il existe à peu près autant de rythmes scolaires que de pays dans le monde. Au Japon (cf. photo de Une), les écoliers ont des temps de sieste obligatoires, à leur pupitre. En Italie, les vacances d’été durent plus de trois mois mais un canton suisse les a raccourcies à trois semaines. Au-delà de l’arithmétique, chaque nation fait du mieux qu’elle peut pour réussir l’éducation de ses élèves. Mais les approches sont variées !
Corée : la réussite à tout prix
En Corée du Sud, très bien classée au PISA2 depuis vingt ans, l’éducation est au centre de la vie nationale. Les grands jours d’examen, la vie s’arrête pour ne pas perturber la concentration des élèves. Le trafic routier est limité, les manœuvres aériennes sont interrompues, les policiers escortent les élèves en retard... Les Coréens passent en moyenne 220 jours par an en classe, ce qui semble énorme comparé aux 180 jours d’école des Français. La journée finit plus tôt qu’en France, mais la grande majorité des élèves enchaîne avec d’autres activités. Et notamment les cours privés (hagwon), auxquels les petits Coréens participent en masse dès le plus jeune âge3. Les hagwons sont généralement payants, même si certaines écoles publiques et associations organisent des cours du soir gratuits. La raison principale de cette boulimie scolaire est le suneung. C’est l’équivalent coréen du baccalauréat, un concours déguisé dont les résultats sont déterminants pour la réussite sociale du candidat. Il permet d’accéder aux universités les plus prestigieuses et par la suite aux meilleures opportunités professionnelles. Certains élèves passent plusieurs fois cette épreuve, dans l’espoir d’améliorer leur classement. D’autres craquent : jusqu’à 40 ans, le suicide est la première cause de mortalité en Corée.
Finlande, Estonie : des alternatives heureuses ?
Ces deux petits pays d’Europe baltique ont peu à voir avec l’élitisme asiatique. Peu densément peuplés et au contact proche de la nature, ils se distinguent par une approche bienveillante. Le volume horaire obligatoire est faible, sans que les élèves aient beaucoup de devoirs à la maison. Ils figurent pourtant beaucoup mieux que la France au classement PISA. En stage Erasmus dans l’école d’Oulu (203 000 habitants), au nord de la Finlande, Sophie Benoist est revenue enchantée. La journée démarre à 9 h. À partir de 11 h 30, les écoliers marquent 15 minutes de pause par heure, pendant laquelle ils s’aèrent à l’extérieur. Dans l’ensemble, ils m’ont semblé plus détendus et attentifs qu’en France. Les enseignants arrivent à concilier nature et apprentissage. Beaucoup de cours se passent à l’extérieur ! Un matin, il y a eu une alerte. Un lynx se promenait aux abords de l'école mais cela n’a rien changé ou presque. Le degré d’autonomie des enfants est saisissant. Dès l’école finie, vers 14 h 15, ils se dispersent et rejoignent leur domicile ou leurs activités. Qu’ils soient à pied, à vélo ou en bus, ils semblent en sécurité. Les adultes de la ville veillent sur eux, chacun prend soin de chacun ! L’école compte trois sections avec chacune son grand gymnase, son atelier de travaux et sa confortable salle des maîtres. La grande cour est reliée à l’espace public, sans barrière ni clôture. J’ai été très marquée par la pause du déjeuner. Dans mon école française, elle est beaucoup trop longue. Les enfants en sortent énervés et fatigués, il est difficile de raccrocher les wagons. En Finlande, c’est un moment fluide : les enfants prennent leur plateau-repas dans le couloir et reviennent en classe pour déjeuner dans le calme, sans véritable rupture. C’est une très bonne pratique qu’il faudrait importer en France.
Vous pouvez voir ici son petit reportage tourné à Oulu (1’46). À noter qu’en 2016, la Finlande a abandonné l’écriture cursive au profit de la saisie au clavier. En visite à Parthenay (79), des enseignants finnois ont été vivement impressionnés par les cahiers d’écoliers remplis à la main !
Allemagne, Espagne : le choix de la décentralisation
Beaucoup de pays dans le monde ont adopté une gouvernance décentralisée de leur système éducatif. En Estonie, les établissements jouissent d’une grande autonomie pédagogique. Ils recrutent eux-mêmes leurs enseignants et peuvent ajuster leur rémunération. L’Allemagne s’est dotée d’un système à géométrie variable, pensé localement mais inscrit dans une vision globale de l’éducation. Non seulement le calendrier scolaire et la durée des vacances sont à la main des seize Länder, mais les établissements peuvent adopter des règles adaptées à leurs contingences locales. Par exemple, un collège peut démarrer ses journées plus tard si une majorité de ses élèves a des longs temps de transport. L’Allemagne a aussi su bâtir un système où l’apprentissage est une voie d’excellence. La main et l’esprit avancent ensemble, avec des grades de niveau universitaire dans les filières manuelles. Dans tout le pays, traditionnellement, la journée scolaire se terminait vers 13 h. Depuis les années 2000, l’école allemande évolue cependant vers un modèle à temps plein : les foyers où les deux parents travaillent sont devenus la norme. L’après-midi, les élèves restent donc dans leur établissement où ils exercent diverses activités pédagogiques, sportives ou artistiques. L’école à plein temps (Ganztagsschule) favorise la coopération entre élèves et enseignants, car l’atmosphère est généralement plus détendue l’après-midi que pendant les cours du matin, décrit la pédagogue Gunild Schulz-Gade. Les communautés de classe passent plus de temps ensemble, la coexistence intensive d’élèves d’origines socioculturelles différentes favorise la compréhension mutuelle.
Ses détracteurs estiment cependant que la Ganztagsschule exacerbe l’influence de l’école au détriment de l’éducation reçue à la maison.
En Espagne, certaines régions privilégient la journée continue (le matin uniquement), d’autres la journée fractionnée (cours matin et après-midi, avec une longue pause déjeuner). À Séville, les enfants terminent à 14 h mais à Bilbao, ils reprennent à 16 h. Cela modifie l’organisation familiale. Les AMPAs (associations de mamans et papas d’élèves) sont présentes dans presque tous les établissements pour participer aux conseils d’école, organiser des activités périscolaires et intervenir dans les choix d’horaires.
Le temps de transport est vecteur d’inégalités au collège et au lycée. Certains élèves doivent se lever à 6 h pour être à l’heure.
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Adapter l’école au climat
Avant 1990, la France connaissait en moyenne 2 jours de vagues de chaleur par an. Depuis 2000, ce chiffre est passé à 8 par an. Dans un scénario à + 4° C, l’Ile-de-France pourrait connaître jusqu’à 94 jours de vagues de chaleur chaque année.
Source : Oxfam France
Le changement climatique s’est imposé à la table de la convention citoyenne sur les temps de l’enfant. « En 2024, au moins 242 millions d’élèves de 85 pays ont vu leur scolarité perturbée par des phénomènes climatiques extrêmes », informe l’Unicef dans une analyse publiée en janvier 2025. Le Mali a ainsi dû retarder d’un mois sa rentrée scolaire 2024-2025 en raison de graves inondations. En juin 2025, 200 écoles françaises ont fermé totalement ou partiellement leurs portes pour cause de chaleur. Les élèves étaient renvoyés chez eux, les familles s’adaptaient dans l’urgence. Le sujet est embarqué dans le 3e plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3). Il prévoit l’amélioration du confort d’été des établissements (ventilation, ombrage, végétalisation…), dont les collectivités locales auront la charge. Il faudra aussi apprendre à aménager les horaires en cas de grand froid ou de forte chaleur.
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Témoignages/anecdotes
Marie – Allemagne (témoignage reçu sur la Communauté MAIF)
J’ai passé mon année de seconde en Allemagne et c’était une super expérience. J’ai bien aimé le fait de commencer un peu plus tôt mais finir la journée vers 13 h 30 ou 16 h selon les jours. Les cours duraient 45 min et j’ai trouvé ce rythme plutôt pas mal. Le fait de finir tôt permettait de faire des activités à l’école (musique, sport) ou en dehors de l’école.
Marie, retraitée de l’Éducation nationale (témoignage recueilli au téléphone)
J’ai eu l’occasion de beaucoup voyager dans ma carrière. En Amérique du Sud ou en Afrique, on se couche beaucoup plus tôt et l’école a lieu uniquement le matin, dès 7 h. En France, c’est impensable ! Les jeunes enseignants n'habitent plus dans leur école. Ils désertent la ruralité et emménagent dans les centres urbains en s’ajoutant du temps de transport. Et les enfants se couchent de plus en plus tard. Pour ma part, je reste persuadée que le bon rythme c’est l’école le matin et le périscolaire l’après-midi. Et cela suppose la gratuité des activités, pour ne laisser aucun jeune sur le bord du chemin. Si c'est pour le ou la retrouver au pied de sa cité ou devant la télévision, cela n'a aucun sens.
Lycéens volontaires ayant passé un an dans un établissement à l’étranger (Programmes internationaux d’échanges et Instagram)
Arthur - Nouvelle-Zélande
On apprend à randonner et bivouaquer dans la nature.
Elsa - Norvège
Il n’y a pas de classe à proprement parler. Vous pouvez très bien suivre certains cours de dernière année et d’autres de première année.
Willem - Mongolie
Il y a beaucoup d’enfants et peu de place dans les écoles. La journée est donc coupée en deux. Les élèves ont cours de 8 h à 13 h, ou de 13 h à 18 h. C’est une façon d’optimiser l’espace. Et malgré cela on est tout de même 44 dans ma classe ! Avant ou après la classe, les élèves participent à l’entretien de l’école. Ils aident au nettoyage, à la réparation des fenêtres.
Anonyme - Suède
Ici, les adultes peuvent prendre des cours avec les adolescents et passer leur diplôme en même temps qu’eux. Ils sont même assez nombreux à le faire. Je trouve ça très bien. En France, des adultes au lycée, ce serait certainement un sujet tabou.
Anne-Cécile - Chine
Les élèves chinois restent onze heures en cours et ont comme seule pause une demi-heure, à l’heure de midi.
Julien Cahon Réformer les rythmes scolaires en France (1848-2017)
Socle documentaire à destination des citoyennes et citoyens de la Convention sur les temps de l’enfant (Conseil économique, social et environnemental – 2025)
L’enseignement primaire, une organisation en décalage avec les besoins des élèves - Cour des comptes 2025
Le périscolaire pour les primaires – association des maires de France – rapport 2023
1L’Organisation de coopération et de développement économique regroupe 38 pays d’Europe, Asie et Amérique. En matière scolaire, elle pilote notamment le programme international pour le suivi des acquis (PISA) dont la pièce maîtresse est un classement international sur la base des résultats à un examen commun à tous les pays membres.
2Ces traits marquants se retrouvent globalement dans les autres « riches » pays d’Asie (Singapour, Japon, grandes villes de Chine), tous très bien placés au PISA.
3Une proposition de loi a été déposée cet été en Corée du Sud pour interdire l’enseignement privé aux enfants de moins de 3 ans.