Cas de jurisprudence

Cours de natation
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Dossier réalisé par Frédérique Thomas, professeur agrégée, docteur en STAPS, Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II.

Un élève se blesse dans la piscine

Les faits

Deux classes de 6ème sont accompagnées à la piscine par trois professeurs d'EPS auxquels s'est joint un maître-nageur.
Bien que les professeurs aient donné des consignes de comportement pendant le trajet, puis avant d'entrer dans le bâtiment, et après déjà plusieurs manquements ayant donné lieu à rappels à l'ordre, une bousculade se produit au bord de la piscine au cours de laquelle une élève se blesse en tombant à l'eau.
Les témoignages ne permettront pas de savoir avec précision comment la victime a pu être poussée dans l'eau.

Les arguments des parties

Les parents considèrent que les enseignants ont commis des fautes consistant notamment dans le fait de ne pas avoir conservé la maîtrise du déroulement du cours et d'avoir manqué à leur obligation de surveillance effective.

Le préfet du département demande aux juges de constater qu'aucun défaut de surveillance, ni aucune faute ne pouvaient être établis à l'encontre des professeurs et qu'en conséquence la responsabilité de l'État ne pouvait être retenue.

La décision

Tant en 1ère instance que devant la cour d'appel, les magistrats ont considéré qu'en l'espèce, les témoignages ne permettaient pas de connaitre avec précision le déroulement de l'incident, ayant conduit la victime à être poussée dans la piscine. En toutes hypothèses, la victime a été poussée dans l'eau à la suite d'une bousculade et elle n'a pas contrevenu aux consignes qui lui avaient été données par les enseignants, de ne pas sauter ou plonger.
Il apparait donc que les enseignants présents, en ne maitrisant pas les élèves qu'ils avaient sous leur garde et en ne prenant pas les mesures de nature à éviter une bousculade toujours particulièrement dangereuse au bord d'une piscine puisque pouvant provoquer une chute dans l'eau, ont commis des fautes dans la surveillance qui sont à l'origine du dommage subi par la victime.
Les consignes de comportement données pendant le trajet du bus ainsi qu'avant de rentrer dans le bâtiment de la piscine, de même que les divers rappels à l'ordre ne sont pas de nature à les exonérer de leur responsabilité. En conséquence, l'État français est condamné à indemniser l'entier préjudice de la victime et de ses proches.

La responsabilité de l'État substituée à celle des enseignants est ici retenue.

C.A. Aix en Provence 14/12/2011

Un élève échappe à la surveillance de l'institutrice et tombe à l'eau

Les faits

Un élève du cours moyen première année suit un cours de natation à la piscine, sous la conduite de son institutrice. Quand les enfants regagnent le vestiaire, l’un d’entre eux échappe à la surveillance de cette dernière et retourne seul au bord du bassin, où il tombe à l’eau.
Un des maîtres-nageurs s’en rend compte au bout de quelques minutes, et l’en tire, mais l’enfant conserve de graves séquelles (insuffisance respiratoire et troubles du comportement).

La décision

Les juges de première instance constatent que l’accident s’est produit après la fin du cours de natation, après 11 heures. Ils ajoutent que l’institutrice n’a pas recompté ses élèves comme elle aurait dû le faire à la sortie du bassin. Elle a commis une faute de surveillance, alors que les maîtres-nageurs n’avaient plus à exercer la surveillance des enfants, et que pour autant l’un d’eux a sauvé l’enfant : leur responsabilité n’est pas retenue.
En appel, la cour maintient la responsabilité de l’État substituée à celle de l’institutrice. Mais elle relève aussi que les maîtres-nageurs, pour accueillir un autre groupe d’élèves, ont laissé pendant un court laps de temps, le grand bassin sans surveillance, alors que plus de soixante-cinq élèves se trouvaient à proximité immédiate, notamment dans les vestiaires. Ils ont commis une faute de négligence en n’assurant pas à trois la surveillance continue du bassin, et cette faute a contribué à la réalisation de l’accident.
Les maîtres-nageurs sont tenus à une obligation de surveillance du bassin tant que la piscine est ouverte aux usagers, et cette surveillance doit être accrue dans la mesure où les usagers sont des enfants. Cette obligation est permanente, même lorsque le bassin est provisoirement libéré de tout nageur. Il y a donc lieu de retenir également la responsabilité des maîtres-nageurs.

En conclusion, l’État substitué à l’institutrice et les maîtres-nageurs sont solidairement responsables du dommage causé au jeune élève.

Source : Cour d'appel de Versailles - chambre 3 - 17 mars 1995.

Un élève retourne à l'eau malgré une interdiction

Les faits

À la suite d'une longue apnée, un élève retourne dans l'eau malgré l'interdiction de son professeur et est victime d'une syncope fatale...La responsabilité du professeur est retenue (2/3) ainsi que celle de l'élève (1/3), car il n'a pas obéi aux consignes données.

Lors d'une séance préparatoire aux épreuves du baccalauréat, un élève de terminale participe à divers exercices. Le professeur évalue notamment les élèves en apnée : l'élève effectue alors la plus longue apnée, mais termine fatigué et s'allonge pour récupérer. Le professeur lui interdit de se remettre à l'eau et organise un nouvel atelier sans lui. À la fin de celui-ci, rassemblant les élèves pour une nouvelle épreuve, il aperçoit un élève au fond de l'eau. Transporté à l'hôpital, l'élève décède peu après.

Les arguments des parties

Les parents de la victime fondent leur action sur la base d'un homicide involontaire : ils considèrent que l'exercice proposé par le professeur est des plus critiquables et s'est terminé par un état de fatigue avancé de leur fils, qui a causé son décès lors de la seconde apnée.

Le ministère public* considère que la responsabilité de l'enseignant résulte de l'organisation du type d'exercice évalué. L'épreuve d'apnée est complètement inadaptée en milieu scolaire, même en terminale.

* Ministère public est l'expression par laquelle on désigne l'ensemble des Magistrats qui dans une juridiction sont chargés de défendre les intérêts de la collectivité nationale.

La décision

En première instance (TGI Thionville, audience correctionnelle du 19 mars 1991)
L'enseignant précise que la victime a repris connaissance lors de son arrivée à l'hôpital et qu'il a été victime d'un arrêt cardiaque lors de sa prise en charge. En réalité, il résulte du rapport des médecins, que le jeune garçon, dès son arrivée en soins intensifs présentait des signes très graves dont une dette importante en oxygène qui a imposé une ventilation artificielle. Le professeur de médecine, consulté comme expert a conclu que le décès du jeune homme était dû à une syncope consécutive à une apnée prolongée et que cette syncope sans gravité dans l'air avait entraîné sous l'eau une inondation des poumons.
L'exercice proposé par le professeur est des plus critiquables et s'est terminé par un état de fatigue prononcé de la victime. Mais le lien de causalité entre l'exercice et la noyade n'est pas établi : la responsabilité de l'enseignant ne peut être recherchée que dans le domaine d'un éventuel défaut de surveillance.
Or, après s'être inquiété de l'état de fatigue de son élève, le professeur a organisé d'autres exercices avec les élèves de la classe et c'est à ce moment-là, que la victime, sans être vue de son professeur, est retournée à l'eau. La responsabilité de l'enseignant ne pourrait que résulter du fait de n'avoir pas surveillé l'élève et de ne pas l'avoir vu retourner à l'eau.
En l'espèce, ce n'est pas le cas puisque le professeur organisait à ce moment-là un autre exercice et que la surveillance du bassin incombait au maître nageur. Il ne peut être reproché à l'enseignant de ne pas avoir surveillé l'ensemble du bassin alors qu'il dirigeait un autre exercice : aucune faute ne peut lui être reprochée.
La relaxe du professeur est donc prononcée par le tribunal correctionnel, et les parties civiles déboutées de leurs demandes dirigées contre l'État français.

En appel (CA Metz, ch. cor. 27 février 1992)
La cour d'appel retient que l'effort important fourni pour l'exercice d'apnée a épuisé le lycéen, qui, selon toute vraisemblance n'aurait jamais dû retourner à l'eau. Le professeur s'était bien rendu compte de son état, puisqu'il lui avait ordonné de ne pas se remettre à l'eau et de continuer à récupérer jusqu'à la fin de la séance. Il appartenait donc à l'enseignant de veiller au respect de l'ordre qu'il avait donné et il lui incombait de signaler cet élève aux maîtres nageurs afin que ceux-ci l'empêchent de retourner à l'eau.
En n'accomplissant pas de telles diligences, le professeur a commis une faute caractérisée de négligence qui a contribué à la noyade ayant provoqué le décès de son élève. En conséquence, le professeur est condamné à une amende de 800 euros. L'État est de son côté condamné à se substituer à son agent pour indemniser les parties civiles à hauteur des 2/3 du préjudice, dans la mesure où l'élève est retourné à l'eau sans que son professeur en ait connaissance : par sa témérité, la victime a contribué à sa propre fin, faute qui apparaît de nature à exonérer pour 1/3 l'auteur responsable du dommage.
L'enseignant est responsable à hauteur des 2/3 et la victime est responsable de sa propre mort pour 1/3.

Cour de Cassation (Cass. crim., 23 juin 1993)
Le professeur forme un pourvoi en cassation : la Cour rejette le pourvoi du professeur, et confirme l'arrêt de la cour d'appel : l'élève n'était plus sous la surveillance directe de son professeur, mais celui-ci a commis une négligence en s'abstenant de prévenir le maître nageur préposé à la surveillance du bassin.

La Cour de Cassation confirme la décision de la Cour d'appel.