Cinq bonnes raisons de traquer les fake news avec vos élèves

Eric Berbudeau, Journaliste MAIF Mag

8 min 30


MAJ mars 2025

Avec le développement spectaculaire des outils de l’intelligence artificielle, le faux se rapproche de plus en plus du vrai. C’est pourquoi il est important d’apprendre à débusquer la désinformation dès le plus jeune âge. La chasse à l’infox est ouverte !

1
Prêt pour la Semaine de la presse dans l'école ?

Sur les premières versions de Photoshop, il fallait des heures pour truquer habilement une image. Désormais, en un clic ou presque, même la vidéo est à la portée des faussaires de l’info amateurs. Le deepfake (hypertrucage) n’a pas fini de saborder nos certitudes. C’est l’une des conséquences problématiques du développement spectaculaire de l’intelligence artificielle.

Combien de temps encore pourrons-nous démêler le vrai du faux ? La question fait peur. On ne pourra y répondre sans renforcer la place accordée à l’éducation aux médias et à l’information (EMI), en veillant à y inclure un apprentissage des techniques de chasse aux infox. Nous profitons donc de la Semaine de la presse et des médias à l’école pour vous donner cinq bonnes raisons de lancer vos élèves dans cette traque…

2
Devenir un détective de l’info

Bien sûr, on peut considérer que la chasse aux fake news mérite d’être enseignée parce qu’elle est dans les programmes. Mais ne dédaignons pas une autre bonne raison : c’est ludique ! Quel que soit l’âge de vos élèves, même dès le CM2, il y a des chances qu’une chasse à l’infox soit vécue comme un jeu, mettant à l’épreuve leur discernement.

Vous pouvez augmenter cette dimension ludique en organisant le jeu que nous pourrions appeler Fact Checking Express. Individuellement ou par équipes, les élèves reçoivent des articles réels et fictifs et doivent identifier les fake news en un temps limité. Ceci favorise la discussion collective sur les indices qui permettent de détecter la fiabilité d’une information. Et la séance finale de correction vous permet de donner des clés importantes pour vérifier une info.

Dans le même esprit, en projetant régulièrement 20 images, de vraies photos et des fausses, pour un questionnaire en temps très limité, vous pourrez mesurer comment leur sagacité augmente au cours de l’année. Elle peut aussi s’exercer sur la photo en tête de cet article1, très suspecte 😊.

Les webinaires de “J’apprends l’info”

France Info et Bayard Éducation ont développé ensemble le programme “J’apprends l’info”. Ils proposent aux enseignants et à leurs élèves des webinaires thématiques remarquables, en phase avec les objectifs des enseignements d’éducation aux médias et à l’information (EMI) en cycles 2 et 3.

Réalisés avec le soutien de MAIF, ces webinaires ont rassemblé jusqu’à 39 000 élèves et enseignants en live ! Ils sont aussi visibles en replay et, pour coller au sujet de cet article, nous vous recommandons celui sur les fausses informations.

3
Banzaï ! Les techniques d’autodéfense

Il est temps de réveiller le Kung Fu Panda, ou autre icône de la self-défense, qui sommeille en chaque élève ! Car les techniques de « débunkage », pour établir la véridicité d’une info, relèvent bien des techniques d’autodéfense intellectuelle. De la fake news à l’arnaque, il n’y a souvent qu’un pas, exploité par les escrocs pour nous plumer comme un pigeon.

Par exemple

Si vous tombez sur cette info, sur un réseau social : « Redouane Bougheraba a accidentellement divulgué des informations hautement confidentielles sur une astuce qui pourrait rendre n’importe quel Français millionnaire ». Si vous cliquez, vous aurez vraiment le sentiment d’être sur une page du quotidien Libération.

L’Agence France-Presse est aussi citée comme source pour ajouter du crédit à l’article. Tout est faux bien sûr, joliment mis en forme. Le vrai site Factuel de l’AFP nous explique la mécanique de ces hypertrucages destinés à nous escroquer…

Les astuces pour déjouer ces fake news et deepfake

Les connaître, c’est donc bien de l’autodéfense.

Être légèrement méfiant

Si c’est trop beau, sois parano ! Cela évitera les arnaques aux faux gains et autres tentatives de phishing à partir d’une fausse info.

Identifier un mécanisme qui détourne notre attention

Comme l’explique Romain Badouard, maître de conférences à l’université Paris 2 Panthéon-Assas, dans cet article : « Les grandes entreprises du web génèrent des revenus via la publicité qu’elles hébergent : plus les internautes passent de temps à utiliser leurs services, plus ils sont exposés à de la publicité et plus elles gagnent de l’argent. Dans ce contexte, les fake news constituent des contenus particulièrement « engageants », c’est-à-dire qu’ils captent l’attention des internautes et les font réagir. Les grandes plateformes ont ainsi pu être accusées de promouvoir des fausses informations et des contenus complotistes via leurs algorithmes de recommandation, afin de générer davantage de revenus publicitaires. »

Réalisé par France Info et Bayard Éducation, le programme "J’apprends l’info" bénéficie du soutien de MAIF.

4
Une expertise à toute épreuve

Sensibiliser les élèves aux infox, c’est bien. Mais leur donner toutes les clés pour qu’ils deviennent des "fact-checkers" experts, ce sera encore mieux. Alors, comment faire la différence ? Sur Yakamédia, voici un parcours permettant de bien différencier une rumeur d’une fake news. Et l’abondance des ressources de « Vrai ou faux », la plateforme de fact-checking de l’audiovisuel public, permet de coller au plus près de l’actualité.

Notre conseil : partez des pratiques informationnelles de vos élèves pour coller au plus près de leurs besoins.

Par ailleurs, pour connaître l’origine d’une photo, ce guide pédagogique vous explique tout.

5
Devenir un citoyen libre et informé

Le parcours citoyen

Bien évidemment, une autre raison de s’intéresser aux infox relève du parcours citoyen. Si leur circulation peut relever de la liberté d’expression, leur contenu peut aussi être délictuel, voire porter en leur sein les ferments d’une guerre civile. On ne peut oublier leur rôle dans la marche vers le Capitole. Il y a de fausses infos anodines, d’autres qui portent des charges sociétales explosives. La désinformation est un moyen de propagande comme un autre en période électorale.

Dans ce parcours pour devenir un citoyen libre et éclairé, avec un esprit critique acéré, il faut non seulement savoir identifier les infox, mais aussi comprendre les processus de viralisation à l’œuvre sur les réseaux sociaux. Comme l’avait démontré l’étude « The spread of true and false news online » du MIT en 2018, les fausses nouvelles se propagent de manière significativement plus rapide, plus profonde et plus large que les vraies nouvelles.

Cela tient à plusieurs raisons :

  • Rapidité et facilité du partage : les réseaux sociaux permettent de diffuser une information à des milliers de personnes en quelques clics, sans contrôle éditorial.
  • Effet de chambre d'écho : les algorithmes des réseaux sociaux ont tendance à regrouper les utilisateurs ayant des opinions similaires, créant des « chambres d'écho » où les fake news se propagent rapidement sans être remises en question.
  • Anonymat et désinhibition : l'anonymat relatif sur internet peut inciter les individus à partager des informations qu'ils n'oseraient pas diffuser dans la vie réelle.
  • Les robots et les faux comptes : des programmes automatisés et des faux comptes sont utilisés pour diffuser massivement des fake news et créer l'illusion d'un soutien populaire.

C’est pour toutes ces raisons, qu’il faut prendre les infox au sérieux, comme une possible menace pour la démocratie, et leur accorder de la place dans les programmes d’éducation aux médias et à l’information.

Cette année, l’affiche de la Semaine de la presse et des médias dans l’école est illustrée par un dessin original réalisé par Plop et KanKr, membres de Cartooning for Peace.

6
Devenir un créateur de contenus éclairé

Grâce aux enseignements exposés ci-dessus, les élèves disposeront aussi de tous les éléments pour ne pas produire de fake news (même « pour rire » !) et ne pas contribuer à leur diffusion. C’est la cinquième bonne raison d’en parler en classe : bien identifier le danger que ces fausses infos représentent et adopter des bonnes pratiques numériques face à elles. Dès que j’en repère une, je ne commente pas, je ne like pas, je ne partage pas. Éventuellement, si le réseau social le permet, je la signale…

Est-ce bien utile ? Il n’échappe à personne qu’il y a en Europe une volonté de lutter contre la désinformation, alors qu’aux États-Unis la vision libérale, voire libertarienne, est dominante actuellement, privilégiant la liberté d’expression la plus totale quand les modérateurs de contenus sont licenciés.

Voilà pourquoi ce sujet méritait un article. C’est le printemps, la semaine de la presse dans l’école. La chasse aux fake news est donc ouverte !

Côté MAIF

Décodez le numérique au quotidien

Quelles sont les bonnes pratiques à adopter sur les réseaux sociaux ? C’est l’un des sujets développés par le site “Numérique éthique, proposé par MAIF”.

Vous y trouverez des réponses claires, utilisables en classe, pour sécuriser vos usages du web, des réseaux sociaux et des outils numériques au quotidien.

En phase avec l’actualité, vous y trouverez aussi les infos sur les impacts de l’intelligence artificielle, les arnaques en ligne, les moyens de lutter contre le cyberharcèlement...