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Harcèlement scolaire : que faire en tant qu'enseignant ?

12 min


MAJ avril 2024

Cet article vous apporte les réponses essentielles pour bien réagir quand vous pensez être témoin d’une situation de harcèlement.

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Hommage aux victimes du harcèlement scolaire

Comme la herse qui griffe le sol et dont il partage l’étymologie, le harcèlement laisse des traces dans la psyché des victimes. Souvent profondes et durables, parfois insupportables. Certains enfants et ados n’y survivent pas. Ils préfèrent sauter par la fenêtre plutôt que de retourner un jour de plus à l’école ou au collège. Si nous en parlons aujourd’hui, c’est avant tout en leur souvenir : Marion, Lucas, Lindsay, Nicolas, Évaëlle, Chanel… Leurs parents n’oublieront jamais. Ils en veulent aux bourreaux, au « système » qui a laissé faire. Souvent, ils portent plainte : la justice recherche alors tous les responsables potentiels. Comment être irréprochable ?

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Le harcèlement scolaire, c’est quoi au juste ?

Le harcèlement scolaire est une violence répétée, exercée par des élèves envers un élève. Les harceleurs agissent généralement en meute, avec l’intention ou la conséquence de dégrader les conditions de vie de la victime. Il commence dès l’école primaire et il se poursuit jusque dans la vie adulte.

La violence peut être physique et/ou psychologique : brimade, menace, racket, moquerie, humiliation, chantage, attouchements ou coups… Quand le harcèlement se déroule sur internet et les réseaux sociaux, on parle de cyberharcèlement.

À savoir

Le harcèlement scolaire est puni par des peines qui varient en fonction de la gravité des faits :

  • L'auteur a moins de 13 ans : mesures à vocation éducative.
  • L’auteur a entre 13 et 18 ans : de 18 mois à 5 ans d’emprisonnement et 7 500 € d’amende au maximum.
  • L’auteur est majeur : trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende (dix ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende lorsqu’il a conduit la victime au suicide ou à la tentative de suicide).
©Motortion/GettyImages
Le harcèlement s’exerce généralement en meute et il débouche le plus souvent sur l’isolement de la victime.

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Quelques chiffres sur le harcèlement scolaire

Nora Fraisse est une figure de lutte contre le harcèlement en milieu scolaire. Elle a mené une longue bataille juridique pour obtenir la condamnation de l’État suite au suicide de sa fille Marion, le 13 février 2013. Elle a créé l’association La main tendue, qui intervient dans les établissements scolaires et qui reçoit 8 000 appels de victimes par an. La main tendue publie également un baromètre qui révèle les chiffres du harcèlement.

  • 19 % des élèves souffrent du harcèlement, environ 7 % de façon marquante.
  • Le harcèlement se déroule principalement dans la cour et les couloirs, puis en classe et à la cantine et enfin pendant les séances de sport.
  • Dans 44 % des cas, le harcèlement se poursuit sur les réseaux sociaux.
  • Le pic du harcèlement scolaire se situe clairement au collège, qui cumule 54 % des cas.
  • 62 % des enseignants y ont été confrontés. Dans 29 % des cas, ils ont détecté le cas eux-mêmes, eu égard au comportement de l’élève.

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Qui est responsable en cas de harcèlement scolaire ?

Sur le plan judiciaire et de l’étude des responsabilités, les cas de harcèlement scolaire sont très complexes. D’une façon générale, les responsables du harcèlement en sont tout simplement les auteurs et il s’agit le plus souvent d’élèves mineurs.

Votre responsabilité d’enseignant peut néanmoins être engagée.

  • Vous avez un devoir de surveillance des élèves et une obligation de signalement si vous pensez être témoin d’une situation anormale.
  • Un élève harcelé ou son représentant légal peut vous mettre en cause s’il estime que vous n’avez rien fait pour l’aider. Pour cette raison, ne banalisez jamais la parole de l’enfant. Votre meilleure défense consistera à produire des traces écrites de votre action. À défaut, vous devrez réunir des témoignages en votre faveur.
©ImagePatch/GettyImages

Vous soupçonnez une situation de harcèlement ? L’étape n° 1 est d’en parler en tête-à-tête avec la victime présumée.

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Comment réagir en cas de harcèlement à l'école ?

Vous pouvez tout d’abord recevoir la présumée victime en tête-à-tête, pour confirmer votre soupçon. Si le harcèlement est avéré ou confirmé par la victime, adressez-vous :

  • aux autres adultes de l’établissement (enseignants, Atsem, CPE, direction, infirmière…), pour enrichir le dossier et organiser une réponse ;
  • aux enseignants référents et élèves ambassadeurs de votre établissement, désignés et formés dans le cadre du programme pHARe.

La victime peut aussi, en parallèle, téléphoner au 3018.

3018 : 7J/7 de 9h à 23h

La ligne de signalement des cas de harcèlement reçoit 6 000 appels par mois. Le 3018 est le numéro unique de signalement de tous les cas de harcèlement et de violences envers les jeunes. Au bout du fil, les correspondants peuvent faire des signalements au référent académique à partir des informations communiquées par l’appelant : identité de l’élève, établissement fréquenté, contexte… Ils peuvent aussi faire supprimer très rapidement les comptes et contenus préjudiciables des principaux réseaux sociaux, sites et plateformes.

En savoir +

©Kerkez/GettyImages

Le cyberharcèlement prend mille visages : photos volées, sextorsion, insultes, moqueries, menaces…

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Que faire devant une situation de cyberharcèlement ?

En premier lieu, vous pouvez aider la victime à optimiser son usage d’internet et des réseaux sociaux :

  • Bloquer les personnes qui le harcèlent.
  • Signaler les comptes harceleurs au réseau social.
  • Désactiver les commentaires sous les publications.
  • Bien configurer son compte et les personnes qui peuvent y accéder.

+ d’infos sur notre site Numérique éthique :

Si le harcèlement persiste, il faut agir comme dans la vraie vie avec un signalement en bonne et due forme.

Un grand merci à Axelle Desaint, directrice d’Internet Sans Crainte, qui nous apporte les précisions suivantes :

  • La majorité numérique est fixée à 15 ans, c’est l’âge minimum pour consentir au recueil des données personnelles par un site internet ou un réseau social. Avant cet âge, on ne devrait pas pouvoir s’inscrire sur un réseau social sans autorisation parentale. Dans la réalité, les réseaux sociaux ne vérifient rien.
  • Cependant, la responsabilité pénale commence à 13 ans : un ado qui publie du contenu violent ou offensant encourt l’action en justice. Jusqu’à ses 18 ans, ses parents sont redevables d’éventuels amendes et dommages-intérêts.
  • À l’âge adulte, il est conseillé d’aller sur internet sous son vrai nom, dans un devoir de transparence et de responsabilité. Il en va différemment pour les mineurs : le pseudo et l’avatar protègent le jeune internaute des agressions et du harcèlement. De plus, dans le cadre d’une « googlisation », le moteur de recherche aura beaucoup plus de mal à établir le lien entre une identité et un contenu en ligne.

Votre enfant se lance sur les réseaux sociaux

À tous les âges et plus encore si l’on est jeune, il faut éviter de publier des contenus personnels sur internet (photos, textes…). Sauf à les assumer entièrement bien sûr ! Notre site Numérique éthique lance une nouvelle expérience Grand saut dans les réseaux, pour accompagner les familles dont les enfants veulent se lancer dans la publication de vidéos.

Le saviez-vous ?

C’est le développement rapide et massif de la violence en ligne qui a conduit, en 2018, à l’interdiction du téléphone mobile à l’école et au collège.

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Comment repérer une victime de harcèlement scolaire ?

D’après le baromètre Ifop/La main tendue (2021), 48 % des victimes subissent le harcèlement en silence, au motif notamment que « ça ne sert à rien d’en parler ». Voici quelques pistes d’identification pour aller à la rencontre de ces victimes :

  • L’élève est isolé, il n’interagit plus avec ses camarades.
  • Il est effacé et ne parle plus en classe.
  • Ses résultats scolaires sont en chute.
  • Il cumule les retards ou absences.

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Conclusion : le droit à une scolarité sereine

Éric Debarbieux fut, dans les années 2010, le grand précurseur de la lutte contre le harcèlement scolaire. Aujourd’hui vice-président de l’association Prévenances, il salua l’adoption de la loi du 2 mars 2022 qui renforce considérablement les peines infligées aux harceleurs. Cependant, il commentait : Il faut rester prudent car la loi ne fera pas baisser le harcèlement en milieu scolaire. C’est la formation des adultes, l’implication des élèves et de tous les acteurs de l’école dans l’élaboration d’un climat scolaire positif qui fera réellement changer les choses. C’est une affaire pédagogique ! 

Un enseignant peut-il porter plainte contre un élève (et vice versa) ?

L’Offre métiers de l’éducation vous protège et vous assiste contre toutes les formes de violence exercées à votre encontre. Une offre en deux volets :

  • Volet associatif : les correspondants locaux de l’ASL eux-mêmes enseignants, vous soutiennent et échangent avec vous sur votre situation. S’ils identifient un harcèlement hiérarchique ou de la part d’un collègue, vous pouvez demander à déclencher la protection fonctionnelle à laquelle vous avez droit en tant que fonctionnaire de l’État.
  • Volet assurantiel : si le harcèlement provient d’un élève ou d’un parent, nous assurons votre protection juridique.

N.B : cette protection fonctionnelle ou juridique fonctionne aussi quand c’est vous qui êtes mis en cause par un élève ou un collègue.

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Pour aller plus loin

Rapport de la sénatrice Colette Mélot, annonciateur de la loi du 2 mars 2022 (senat.fr)

Témoignage vidéo : Annie Boudet, ancienne principale de collège, a été accusée à tort de harcèlement d’une conseillère principale d’éducation. Les parents s'en mêlent, puis la presse. Finalement toute la ville est mise au courant...

Docufiction : 1’36 pour comprendre l’attitude à suivre face à un soupçon de harcèlement d’un élève par ses pairs.

CanoTech : lutter contre le harcèlement.